
Par Edmond Izuba, envoyé spécial à Paris
Ambassadeur de la RDC en France, Emile Ngoy Kasongo s’est confié à Opinion-info.cd dans une interview exclusive, dévoilant, notamment, sa recette pour conquérir les cœurs des «Combattants» et baliser ainsi la voie du retour des productions des artistes congolais en Europe. Mission accomplie pour lui.
La France compte parmi les pays occidentaux avec le plus gros contingent de la diaspora congolaise. Ce qui fait de l’Hexagone un pays stratégique aussi bien pour les autorités politiques que pour les opérateurs culturels. Ces derniers ont été privés d’un marché juteux, représentant des millions de dollars chaque année, à cause du phénomène "combattant", dont l’un des objectifs a été d’empêcher toute production culturelle sur le sol européen, principalement en France, en Belgique et en Angleterre. Ce, au motif que ces productions plongent les Congolais dans la distraction, alors que l’Est du pays est déchiré par une guerre qui dure depuis environ trois décennies maintenant.
Durant plus de dix ans, les Combattants ont bien barré la route aux productions artistiques en Europe, non sans s’en prendre à des autorités politiques. Léon Kengo wa Dondo, alors président du Sénat, Christian Bosembe, actuel président du CSAC, et autres personnalités publiques ont été passés à tabac par des Combattants, qui les ont accusés d’être de connivence avec les différents régimes en place à Kinshasa, amorphes et incapables de finir la guerre de l’Est.
Dans un tel climat de haute méfiance vis-à-vis des autorités publiques congolaises, ponctué par le recours facile à la violence physique et verbale, Emile Ngoy Kasongo, un ancien «mikiliste» (entendez, Congolais vivant ou ayant vécu en Europe) ayant passé des dizaines d’années à Paris pour des raisons d’études notamment, a été nommé, en août 2023, ambassadeur de la RDC auprès de la France. L’homme a fait de la fin du phénomène combattant, un défi à relever aux côtés de ses objectifs diplomatiques.
Aussitôt débarqué à Paris, Emile Ngoy, fort de sa connaissance de la diaspora congolaise établie en France, a suscité admiration et confiance au point qu’un mouvement s’est spontanément et naturellement formé pour lui apporter soutien et l’accueillir dignement. Ce professeur des universités s’est rappelé, au cours de cette interview exclusive avec Opinion-info.cd, de la chaleur ayant entouré son arrivée dans la ville Lumière.
«Lorsque je suis arrivé, j’ai vu des compatriotes venir m’accueillir à l’aéroport. Ils étaient plus de 500 personnes et elles voulaient m’entendre. Elles m’ont dit qu’il y a un espoir», a relaté Emile Ngoy.
Cet espoir, à l’en croire, découle de l’engagement du Président Félix Tshisekedi pour le rétablissement de la paix à l’Est de la RDC, une des principales préoccupations de cette diaspora congolaise. Dans ce décor, l’ambassadeur Ngoy, en fin stratège, a trouvé des mots justes pour embarquer ses compatriotes vivant dans l’Hexagone dans la vision du Chef de l’Etat congolais, et pour conclure un «deal» avec ces derniers.
Ce «deal», bâti sur des paroles rassurantes données par l’un des rares Congolais à avoir le sens du respect de la parole donnée, porte sur la disposition d’Emile Ngoy à garder son oreille active pour écouter et «partager les difficultés» des Congolais de la France.
«C’est ce jour-là que la mayonnaise a pris, et on est parti», a, avec un brin de fierté, dit l’ancien Directeur général de la Haute école de commerce de Kinshasa (ex-ISC). Et de rappeler : «Les responsabilités qui sont les nôtres devraient nous emmener chaque jour à être des hommes et des femmes (capables d’apporter) des solutions à des préoccupations qui concernent l’intérêt général de notre pays».
Emile Ngoy a tout de suite commencé à récolter les fruits de son «deal» avec, notamment, la reprise des productions artistiques en Europe. En fin d’année dernière, Fally Ipupa a livré trois grands concerts à Paris, Londres et Bruxelles. Récemment, c’était autour du chanteur Ferré Gola et des humoristes venus de Kinshasa, de se produire sur différentes scènes à Paris. Divers autres rendez-vous artistiques sont au menu pour les mois à venir.
De quoi couronner des lauriers la tête d’Emile Ngoy Kasongo, selon certains membres de la diaspora congolaise de France, qui saluent son ouverture d’esprit. Celle-ci, ont-ils estimé, a été pour beaucoup dans l’écrasante victoire de Félix Tshisekedi, qui s’en est tiré avec 85,58% des suffrages exprimés par les Congolais de la France, lors de la présidentielle du 20 décembre dernier.