Kinshasa à l’épreuve de l’insalubrité : Plaidoyer pour une réponse courageuse, responsable et durable (Tribune de Serge Etinkum Anza, ancien candidat gouverneur)

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Affiche de La Tribune : Kinshasa à l’épreuve de l’insalubrité
Affiche de La Tribune : Kinshasa à l’épreuve de l’insalubrité

Face à l'insalubrité "mortelle" qui a envahi Kinshasa, Serge Etinkum Anza, ancien candidat gouverneur, refuse de se taire, de rester indifférent. Car, selon lui, le silence est complice. À l'appel du Président Tshisekedi, il se sent interpellé, en tant que citoyen engagé. Loin de "politiser un drame urbain", l'ancien candidat gouverneur appelle à la rupture avec la culture de "la banalisation". "Le temps de l'action est maintenant", lance-t-il. Ainsi, il tend la main à toutes les composantes et forces vives de la société, pour relever "ensemble le défi de la transformation écologique de Kinshasa." En ligne de front, Serge Etinkum Anza lui-même donne l'exemple. Dans la gibecière de son projet de société, l'ancien candidat gouverneur sort un plan d'action articulé en six axes, qu'il propose à la ville. Pas tout. Au-delà de ce plan, Serge Etinkum Anza suggère l'innovation de la fiscalité urbaine, avec la mise en place d'un système de redevance modulée affectée à l'assainissement. En toile de fond, l'ancien candidat gouverneur appelle à des réformes urgentes de la législation en matière d'assainissement, en renforçant l'arrêté interministériel interdisant les sachets plastiques, non sans inviter l'actuel locataire de l'HVK -Hôtel de Ville de Kinshasa- à initier "un projet d'édit provincial sur la gestion des déchets, à débattre et à voter en urgence par l'Assemblée provinciale." Ci-dessous, lire in extenso la tribune de Serge Etinkum Anza.

La ville de Kinshasa est à un tournant critique de son histoire. Laisser faire, c’est accepter la déchéance. Rester silencieux, c’est devenir complice. À l’heure où le Président de la République appelle à un sursaut d’orgueil collectif face à l’insalubrité, je me sens interpellé. En tant que citoyen engagé et ancien candidat gouverneur, je ne peux me taire devant la lente agonie de notre capitale.

Il est temps que chaque voix responsable s’élève, non pour se plaindre, mais pour proposer. Non pour politiser un drame urbain, mais pour mobiliser les esprits autour d’une cause vitale : faire de Kinshasa une ville propre, saine, vivable et digne.

Une ville envahie par les déchets : un constat alarmant

Dans presque toutes les communes de Kinshasa, nos rues, nos rivières, nos caniveaux et même le fleuve sont envahis par des bouteilles plastiques, des sachets abandonnés et des déchets ménagers en décomposition. Ce tableau n’est pas une fatalité. Il est le fruit d’un double échec : celui du civisme et celui de la gouvernance environnementale.

L’absence de sanctions, le relâchement des cadres de base et la démission collective ont transformé Kinshasa en dépotoir à ciel ouvert. Or, la saleté tue. Elle tue lentement, à travers les maladies, l’insécurité sanitaire et la pollution de l’air, de l’eau et du sol.

Serge Etinkum Anza

Tirer les leçons d’ailleurs : Paris, Dakar, Abidjan…

Paris, au XIXe siècle, était l’une des villes les plus sales d’Europe. C’est par des décisions politiques fortes, l’instauration d’un service de voirie structuré, la collecte organisée, la création de taxes sur les déchets et la responsabilisation des habitants, que la capitale française s’est transformée. Aujourd’hui encore, des villes comme Abidjan ou Dakar en Afrique montrent qu’avec volonté et méthode, la propreté urbaine est possible.

Pourquoi Kinshasa ne ferait-elle pas mieux ?

Photo d'illustration

Une réponse responsable et citoyenne

Dans mon projet de société, j’avais insisté sur un principe fondamental : la modernisation durable de Kinshasa commence par un aménagement audacieux et un assainissement structuré.

Avec plus de 12 000 tonnes de déchets générés par jour et une population qui atteindra 20 millions d’habitants en 2030, continuer à improviser serait suicidaire. Il est temps de construire une politique environnementale intégrée, pensée à long terme et dotée de moyens réalistes.

Je propose un plan d’action articulé en six axes :

1. Création d’une Agence Métropolitaine de Gestion des Déchets

   Dotée de l’autonomie juridique, de moyens financiers, de techniciens qualifiés et d’une chaîne logistique efficace.

2. Organisation sectorisée de la collecte des déchets

   Avec introduction de la collecte sélective, centres de tri communautaires et gestion différenciée selon les types de déchets.

3. Valorisation des déchets plastiques et organiques

   Par le recyclage, la fabrication de pavés, la production de compost et l’encouragement à l’innovation verte. 

4. Participation communautaire

   Avec des comités d’assainissement par quartier, des programmes éducatifs, des campagnes de sensibilisation en langues nationales et l’implication des écoles et des églises.

5. Financement durable et équitable

   Basé sur une contribution proportionnelle des ménages et entreprises, appuyé par des partenariats public-privé et des fonds internationaux (fonds verts, crédits carbone).

6. Pilotage technologique et transparence

   Grâce au numérique : suivi GPS des bennes, signalement des points noirs, audits citoyens et publication des résultats en open data.

Serge Etinkum Anza

Une fiscalité d’assainissement innovante

Je propose que soit mis en place un système de redevance mensuelle modulée, affectée à l’assainissement :

 • Parcelles et ménages : contribution selon la commune et la taille des biens.

 • Structures commerciales, restaurants, hôtels, marchés : redevance progressive.

 • Transporteurs (taxi, bus, camions) : contribution mensuelle dédiée.

 • Centres médicaux et écoles : contribution selon leur catégorie.

Ces fonds doivent être logés dans un compte spécial, traçable, exclusivement destiné aux services de propreté, sous contrôle des organes d’audit.

L’urgence de réformer la législation

L’arrêté interministériel interdisant les sachets plastiques doit être renforcé, actualisé et strictement appliqué, tout en accompagnant les producteurs vers des solutions alternatives. Il est temps également que le Gouverneur de Kinshasa initie un projet d’édit provincial sur la gestion des déchets, à débattre et à voter en urgence par l’Assemblée provinciale.

L’insalubrité est une crise silencieuse… mais mortelle

Elle engendre maladies, pertes économiques, exode, stress social, et altère notre dignité collective. Elle est souvent plus meurtrière que l’insécurité visible, car elle affaiblit l’organisme des plus vulnérables. Nous ne pouvons plus attendre.

Nous devons rompre avec la banalisation.

Le temps de l’action est maintenant.

Je tends la main à tous les leaders politiques, à la société civile, aux artistes, aux églises, aux étudiants, aux entreprises. Relevons ensemble le défi de la transformation écologique de Kinshasa. Refusons le silence complice. L’histoire nous jugera, et nos enfants n’oublieront jamais ce que nous avons fait ou pas fait pour leur avenir.

Mardi 29 juillet 2025 - 10:51