Par la Rédaction
MSF -Médecins Sans Frontières- et le ministère de la Santé congolais ont mené, début juin, une vaste campagne de vaccination contre la rougeole dans la zone de santé de Masisi, en province du Nord-Kivu. Plus de 100.000 enfants de 6 à 59 mois ont été immunisés contre cette maladie hautement contagieuse.
La rougeole reste un fléau en RDC -République démocratique du Congo-, où les épidémies récurrentes sont alimentées par une couverture vaccinale insuffisante et des conditions de sécurité précaires. Depuis le début de l’année, plus de 27.000 cas ont été recensés dans le pays, dont un cinquième dans la seule province du Nord-Kivu.
À Masisi, plus de 1.000 cas et quatre décès ont été signalés depuis janvier, bien que les chiffres réels soient probablement plus élevés. MSF, présente dans la région, a pris en charge 1.158 patients atteints de rougeole, dont 238 ont nécessité une hospitalisation à l’hôpital général de référence de Masisi.
Anuarite Nyirabimana, 30 ans, fait partie des nombreuses mères ayant profité de la campagne. «Beaucoup d’enfants ont attrapé la rougeole ces derniers temps», raconte-t-elle. «Dans ma famille, une seule personne avait été vaccinée jusqu’à présent.»
Outre la vaccination, la campagne a permis de soigner de nombreux enfants souffrant de la rougeole associée à la malnutrition. Cette dernière est en forte hausse dans la région, conséquence directe des déplacements de population provoqués par les violences. «Le prix des haricots a triplé, et certaines familles ne mangent plus à leur faim», témoigne Sadiki Nzazimanye Aimable, infirmier chez MSF.
Masisi, située à une demi-journée de route de Goma, est une zone particulièrement instable. Les récents affrontements entre le groupe armé M23/AFC et les Forces Armées congolaises, appuyées par les VDP/Wazalendo, ont fortement perturbé les activités humanitaires. L’hôpital de Masisi, soutenu par MSF, a été touché à plusieurs reprises par des tirs, et deux membres de l’organisation ont perdu la vie depuis le début de l’année.
«L’insécurité complique énormément la réponse humanitaire», explique Helena Cardellach, coordinatrice de MSF à Masisi. «Quand le M23/AFC a pris Goma, l’aéroport a été fermé, interrompant l’acheminement des vaccins depuis Kinshasa. MSF a dû prendre en charge l’approvisionnement et la logistique dans des conditions très difficiles», poursuit-elle.
Pour surmonter ces défis, MSF a mis en place des systèmes de chaîne du froid, formé des équipes de vaccination et mené des actions de sensibilisation dans les villages. «Certains centres n’avaient ni réfrigérateurs ni glacières. À Katale, un centre a même vu ses panneaux solaires volés, rendant impossible la conservation des vaccins», déplore Sadiki Nzazimanye.
Malgré cela, la mobilisation communautaire a porté ses fruits. «L’enfant de ma voisine est tombé malade. C’était la rougeole», confie Maman Dorcas, 35 ans. «Cela m’a poussée à venir faire vacciner mes enfants, et à convaincre d’autres mamans de faire de même», confie-t-elle.
Pour enrayer durablement les épidémies, une couverture vaccinale de 95 % est nécessaire. Or, de nombreux enfants restent encore à l’écart des campagnes de vaccination. MSF en a bien conscience : en 2024, l’organisation a déjà vacciné plus de 1,2 million d’enfants à travers la RDC, et soigné près de 30.000 patients atteints de rougeole.
Mais l’équation reste complexe, entre besoins sanitaires immenses et insécurité chronique. À Masisi comme ailleurs, chaque enfant vacciné représente un progrès et une urgence vitale, dans une région où l’accès aux soins reste un défi quotidien.