Par Prosper Buhuru
Les Présidents Félix Tshisekedi et Paul Kagame ont entériné, ce jeudi 4 décembre 2025, à Washington, un ensemble d’accords bilatéraux et régionaux. Baptisée "Washington accords for peace and stability", cette initiative présidée par le chef de l’Etat américain Donald Trump, vise une refonte complète du processus diplomatique engagé sous médiation américaine. Elle unifie les instruments précédents, tels que la Déclaration des principes d'avril et l'Accord de paix de juin, dans une architecture unique encadrant les engagements politiques, sécuritaires, et surtout, économiques des deux pays.
Les minerais critiques, pilier de la nouvelle architecture
L’ossature économique de ce processus repose sur le Cadre d’Intégration Régionale (CIR), qui constitue le cœur des travaux de ce jeudi. Son objectif central est de réorganiser les chaînes d’approvisionnement en minerais critiques (incluant l'étain, le tantale, le tungstène, le niobium, l'or et le lithium) de manière transparente, formelle et strictement contrôlée. Cette démarche vise à assécher les circuits illégaux qui alimentent les groupes armés et l’économie informelle depuis des décennies.
Ce document ambitieux est conçu pour garantir les intérêts stratégiques américains dans ces ressources, tout en permettant à la RDC de capter la richesse minière aujourd’hui détournée par la contrebande. Simultanément, il cherche à consolider la position du Rwanda en tant que hub régional de transformation et de valorisation minière.
Des initiatives concrètes sont prévues dans le secteur minier. Elles incluent la création de centres de "tolling" publics-privés aux postes-frontières, destinés à garantir la traçabilité, la certification des flux et l'application automatique des taxes au pays d’origine. Le CIR harmonise également les politiques fiscales afin de décourager la contrebande et prévoit des zones économiques spéciales, ainsi que des mécanismes d’investissement conjoints pour attirer les grands groupes miniers internationaux.
Énergie et infrastructures, vecteurs d'interconnexion
Sur le plan énergétique, Kinshasa et Kigali réactivent des projets structurants. Les deux pays s’engagent à finaliser le bouclage financier et la mise en œuvre de l'aménagement hydroélectrique Ruzizi III, en coordination avec le Burundi. Ils prévoient également une exploitation coordonnée du méthane du lac Kivu dans la perspective de constituer un véritable pool énergétique régional.
Concernant les infrastructures, l’accord prévoit la modernisation des ports, la désignation de points d’entrée et sortie officiels, et surtout, la connexion progressive de la région au Corridor de Lobito, un axe d’exportation alternatif vers l’Atlantique soutenu par les États-Unis. Des efforts sont également prévus pour la normalisation de l’espace aérien, la modernisation des services de navigation, ainsi que le retour progressif des liaisons aériennes directes entre les deux capitales.
Environnement, santé et gouvernance
Un volet du cadre renforce la coopération transfrontalière autour des parcs des Virunga (RDC) et des Volcans (Rwanda), avec l’ambition de créer une destination écotouristique intégrée, appuyée par une stratégie commune de marque et des régimes de visas harmonisés. En matière de santé publique, les deux pays s’engagent à mettre en place des canaux de communication sanitaire transfrontaliers pour partager les données épidémiologiques et coordonner les vaccinations.
La mise en œuvre de cette nouvelle gouvernance reposera sur un sommet annuel de haut niveau, un comité de pilotage et plusieurs groupes de travail sectoriels, chargés de traduire ces engagements en programmes opérationnels.
Des accords bilatéraux complémentaires
Ce dispositif régional est complété par deux accords bilatéraux distincts avec Washington. L’accord entre Kigali et Washington se concentre sur la "prospérité économique" et formalise une coopération minière déjà bien avancée, notamment le soutien au statut du Rwanda comme transformateur minier régional.
Le second, "le partenariat stratégique RDC–USA", récapitule les projets de coopération, dont ceux concernant l'aménagement du barrage d’Inga et le Corridor de Lobito. L’essentiel porte sur l’appui à l’exploration minérale à grande échelle, avec un soutien direct au développement du gisement de lithium de Roche dure à Manono par la société KoBold Metals.
Cette signature marque l'ambition de faire de la gestion transparente des ressources naturelles le point de départ d'une nouvelle stratégie de paix et de stabilité dans la région.