
Par Serge Mavungu
Le réseau "La Toile d’Araignée", composé de journalistes économiques d’investigation en RDC, tire la sonnette d’alarme : la généralisation du SMIG -Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti- à tous les secteurs, y compris celui de l’agriculture, pourrait entraîner de lourdes conséquences économiques et sociales en milieu rural.
Lors d’un point de presse tenu, le weekend, à Kinshasa, le coordonnateur national de ce réseau, Jérôme Sekana, a mis en garde contre une application uniforme du SMIG, sans tenir compte des spécificités du monde agricole. Selon lui, "imposer aux entreprises agro-industrielles les mêmes barèmes salariaux que ceux du secteur industriel risque de fragiliser un pan entier de l’économie rurale."
Dans plusieurs provinces [Kwilu, Kwango, Tshopo, Kasaï, Sankuru, Équateur], les grandes exploitations agricoles emploient des centaines de personnes, tout en suppléant à l’absence de l’État dans la fourniture des services sociaux de base. Jérôme Sikana cite l’exemple d’une société du Kwilu, qui, à elle seule, a construit trois écoles primaires, un centre de santé et entretient plus de 25 km de route en terre battue.
"Si ces entreprises, déjà confrontées à des contraintes structurelles, sont contraintes d’appliquer le SMIG en l’absence d’un SMAG -Salaire Minimum Agricole Garanti-, ce sont des milliers d’emplois et des services sociaux vitaux qui seront menacés", alerte-t-il.
Pour "La Toile d’Araignée", cette situation révèle une incohérence dans la politique agricole du pays. Malgré l’existence de la loi n°11/022 du 24 décembre 2011 sur les principes fondamentaux de l’agriculture, de la législation sur la sous-traitance et d’autres textes d’application, le Gouvernement n’a toujours pas défini de cadre opérationnel pour le SMAG.
Les journalistes économiques pointent un manque de volonté politique pour appliquer les recommandations des experts, partenaires techniques et membres de la société civile sur la question. "Sans cadre légal spécifique, l’agriculture congolaise ne pourra pas jouer son rôle moteur dans le développement du pays", déplorent-ils.
Face à ce qu’ils qualifient d’urgence nationale, les membres de "La Toile d’Araignée" plaident pour l’organisation rapide des États généraux de l’agriculture. Objectif : adapter la grille salariale aux réalités du monde paysan et repenser une politique agricole cohérente, équitable et durable.
"La revanche du sol sur le sous-sol prônée par le Président de la République ne doit pas rester un slogan. Elle doit se traduire dans des choix politiques adaptés aux réalités rurales", conclut Jérôme Sekana.