
Par Edmond Izuba
À l’abri du soleil de l’été européen, Jean-Claude Vuemba est assis sous un arbuste au jardin de sa résidence de Stains Pierrefitte, commune située au Nord de la capitale française. L’homme, qui vient de parcourir un trajet de plus de 300 km durant plus de trois heures, n’a pas du tout l’air abattu. Vuemba a quitté Bruxelles pour Paris, afin de rejoindre le lieu de l’interview proposée par les rédactions d’Opinion-Info.cd et de Rdcongonews.net.
Devant sa parcelle, sise rue Jean Jaurès, sa Range Rover Sport bleu marine qui attire les regards des voisins et passants, nous sert de guide pour repérer l’adresse. Fervent chrétien catholique, Jean-Claude laisse transparaître à souhait son chapelet catholique au coup, dans un t-shirt immaculé à manches longues. Pour respecter le climat de ce lundi 02 septembre, Vuemba met des couleurs qui repoussent la température de 25°C ressentie. Son t-shirt est enfilé dans un pantalon jogging de couleur grise claire, combiné au pied avec des baskets noirs couronnés des semelles grises.
Après les salutations, l’ancien président de l’Assemblée provinciale du Kongo-Central [sa dernière fonction officielle] revient sur la tentative de son élimination physique, survenue en pleine campagne électorale, aux côtés de Moïse Katumbi et motif de son exil.
«J’ai été pris pour cible par les policiers venus perturber le meeting de Moïse Katumbi, candidat à la présidentielle de 2023, à Moanda (une cité côtière débouchant vers l’océan Atlantic). Ils m’ont accusé d’avoir forcé son entrée au Kongo-Central», relate-t-il.
L’exil de Vuemba n’est pas à confondre avec la rébellion de Corneille Nangaa. L’homme jure de mener une politique de non-violence, pour préserver la vie des Congolais.
«Je suis un Né-Kongo. Tous les Né-Kongo sont amateurs de Kizonzi [entendez : dialogue], qui est permanent. Comme fils MPR, je suis un grand nationaliste, dernier rempart de Mobutu. Donc, je ne peux pas accepter qu’un seul centimètre des terres soit ravi aux Congolais», insiste-t-il.
Le leader du MPCR -Mouvement du peuple congolais pour la République-, Jean-Claude Vuemba, est favorable à l’idée d’un dialogue de plus en plus évoquée dans le circuit politique. Il est même disposé à y prendre part, au vu des enjeux socio-politiques et sécuritaires actuels. «Qui refuserait de la cohésion ?», s’interroge Vuemba. Cependant, il redoute un coup fourré.
Dialogue ou deal entre copains ?
Le président du MPCR condamne les propos tenus par un autre opposant, Martin Fayulu, lors de son meeting à Kinshasa, intervenu quelques semaines après la sortie médiatique de Félix Tshisekedi à Bruxelles. D’après lui, ces propos insinuent un deal planifié entre copains.
«Nous nous retrouverons dans le format d’un dialogue que je qualifierai de triangle de Bermudes : Félix Tshisekedi, Adolphe Muzito et Martin Fayulu. Il s’agit des noms qui ont fait l’objet de la sortie médiatique ô combien hasardeuse de Tshilombo. Lors de son meeting à Kinshasa, Martin Fayulu est revenu sur la même pensée, en parlant, cette fois-là, d’un format qui est connu. Depuis quand un opposant, qui se dit fils d’Etienne Tshisekedi (farouche opposant historique à Mobutu et à Kabila), commencerait à désigner les opposants qui vont prendre part au dialogue ? Même de son vivant, le vieux Etienne ne l’a jamais fait», fait-il observer.
Pour l’opposant Vuemba, toute personne qui est contre le régime Tshisekedi devrait être le bienvenu à ce dialogue. A son avis, ces assises devraient être précédées d’une grand-messe des opposants, pour arrêter des stratégies et préparer un cahier des charges de l’opposition.
«Il faut préalablement que les opposants se mettent autour d’une table, avant ce dialogue pour évaluer. À ce stade, Tshisekedi Tshilombo a occupé, à lui seul, 85% des institutions de la République. Il ne reste en réalité plus rien», lâche Jean Claude Vuemba.
João Lourenço à la facilitation
Vuemba a, par ailleurs, accusé le Président de la République, Félix Tshisekedi, de ne jamais respecter sa parole. Raison pour laquelle cet opposant est favorable à un dialogue sous la facilitation d’un médiateur international, dont le profil inspire confiance et peut rassurer toutes les parties prenantes, quant au respect de la parole donnée.
De tradition, les différents dialogues organisés dans l’histoire politique de la RD-Congo, le médiateur a été soit une personnalité congolaise soit un acteur de la scène socio-politique internationale. Outre l’église catholique, qui a plus d’une fois été revêtue de cette mission au travers de ses évêques, les chefs d’Etat étrangers ont quelques fois aussi été à la manœuvre, pour rassembler les Congolais autour d’une table.
Ce qui constitue un autre préalable sine qua non auquel s’accroche Vuemba, avant la tenue du dialogue annoncé par le Chef de l’Etat. Sans aller par quatre chemins, le leader Né-Kongo a proposé João Lourenço, le Président angolais, pour conduire la médiation, convaincue qu’il est «neutre et crédible» et qu’en plus, il «a une large connaissance sur le Congo».
Faire amende honorable à Moïse Katumbi !
Taxé d’étranger (Zambien, Juif, Italien) par les pro-Tshisekedi, en marge du scrutin présidentiel de 2023 et classé deuxième selon les résultats officiels et définitifs publiés par la Cour constitutionnelle, Moïse Katumbi passe pour l’un des acteurs incontournables de la scène politique congolaise.
Pour le président du MPCR, parti ami à Ensemble pour la République de Moïse Katumbi, ce dernier a été blessé par des insultes systématiques, et que cette plaie ne s’est pas encore cicatrisée, huit mois après le scrutin. Il estime que les autorités au pouvoir ont eu à poser des actes qui ont blessé certains compatriotes et cela mérite amende honorable.
«Comment voulez-vous parler de la cohésion pendant qu’il n’y a même pas huit mois, un compatriote congolais, Moïse Katumbi, a été taxé d’étranger. Est-ce qu’il aura encore le courage de venir s’asseoir sur la même table que vous, parce qu’il est devenu maintenant incontournable ? Il parlera de quel pays, si on doit s’atteler aux propos de M. Jean Pierre Bemba ? Commencer tout d’abord à faire amende honorable», recommande-t-il.
Dans la même logique, Vuemba évoque le cas des opposants en exil, l’arrestation de Seth Kikuni ce lundi 2 septembre, et la position du FCC, famille politique du Président honoraire, Joseph Kabila, qui n’a pas pris part aux élections de 2023 et pas favorable au dialogue.
Pour cet opposant, ce dialogue envisagé ne constitue en rien une force pour le camp du pouvoir, dans la mesure où le Président de la République, Félix Tshisekedi, a personnellement compris qu’il a besoin que les Congolaises et Congolais se rassemblent pour discuter, pour apaiser les tensions, se mobiliser pour apporter le soutien nécessaire aux compatriotes touchés non seulement par la guerre, mais également par la détérioration du tissu social.
Au-delà de parler dialogue, Jean-Claude Vuemba a pris le temps de tordre le cou aux rumeurs selon lesquelles il s’est exilé en raison de sa participation à une rébellion. Sa réaction : «Je n’ai pas l’âme de verser le sang de mes compatriotes». Vuemba s’oppose à tout schéma de rébellion, indiquant qu’à cause de l’AFDL (mouvement rebelle mené par Laurent Désiré Kabila), le corps de son père politique, feu le Maréchal Mobutu, se retrouve jusqu’à ce jour au Maroc.