
Par Jean-Chrysostôme Luntadila, CP
Le ministre d'Etat à la Justice et Garde des sceaux, Constant Mutamba, sort, après vérification des faits, indemne face aux accusations de détournement des fonds publics et de violation de la loi sur la passation des marchés publics.
Selon ces accusations, truffées de contre-vérités, le ministre de la Justice, qui mène une lutte sans merci contre la corruption, le détournement et l'impunité, serait mêlé jusqu’au coup dans un prétendu détournement des deniers publics, réalisé via un compte à la Rawbank nouvellement crée pour le besoin de la cause. En outre, ces mauvaises langues ajoutent qu’il a confié la construction, à Kisangani, d'une maison carcérale à la société Zion construction sans obtenir l'avis préalable de la DGCMP (Direction générale de contrôle des marchés publics) pour un marché de gré à gré.
A l'origine de ce chapelet de mauvaises intentions, la demande d'explication de la Cellule nationale des renseignements financiers (CENAREF), qui a gelé ce compte à la Rawbank pour non-respect des normes financières réservées aux banques privées, adressée à la Première ministre. Selon plusieurs sources bancaires consultées, l’exposition volontaire de cette correspondance sur la place publique est motivée par le seul souci de salir la réputation aussi bien de la Rawbank, quoi qu'elle a alerté en premier la CENAREF, que celle du ministre de la Justice.
« C’est une alerte ordinaire qui pouvait être traitée avec beaucoup de responsabilité et de pédagogie entre nos autorités », lâche une source proche de la Rawbank qui n’a pas voulu aller dans les petits détails.
Lettre de la clameur ou tempête dans un verre d’eau ?
Les faits sont démontrés dans toutes les correspondances balancées de pêle mêle dans les réseaux pour édulcorer, mieux maquiller la vérité. Mais elle est têtue cette vérité. Les voies administratives dans lesquelles s’est engagé Constant Mutamba depuis la conception du projet de construction d’une nouvelle prison à Kisangani est souple et ne laisse aucun trou au détournement. Surtout que le désengorgement et la construction des prisons passent en priorité dans le secteur de la justice, selon les instructions du Chef de l’Etat. Ce qui n’est pas une invention du ministre de la justice seul. Dans sa démarche, Mutamba a associé le gouvernement bénéficiaire, l’Inspection générale des finances (IGF) pour le contrôle de la dépense et la transparence dans l’utilisation des fonds, la Direction générale de passation des marchés publics (DGCMP) pour la conformité.
Dans sa réponse à la demande d'explication de la CENAREF, datée du 7 mai 2025, Mutamba a rappelé l'urgence, pour le gouvernement, de désengorger les prisons du pays en construisant de nouvelles maisons d'arrêt. Le gouvernement, a-t-il noté, a levé cette option lors de la 21e réunion du Conseil des ministres, tenue le 8 novembre dernier, quelques jours après le décès tragique de plusieurs détenus dans la prison centrale de Makala par étouffement notamment.
« Pour des raisons d'ordre sécuritaire et vu l'urgence », Mutamba a obtenu de la DGCMP, l'autorisation spéciale de recourir à la procédure de gré à gré pour la construction de cette prison, couchée dans sa correspondance du 26 février 2025.
En plus de cette autorisation spéciale pour le gré à gré, Mutamba est couvert par « l'approbation tacite » de la Première ministre, Judith Suminwa Tuluka, au sujet du contrat conclu avec Zion construction pour l'érection d'une maison carcérale à Kisangani d'une capacité de 2.000 pensionnaires. Une prison plus vaste que celle de Makala à Kinshasa, qui doit être construite suivant les normes et standards internationaux.
« Le compte créé à la Rawbank au nom de la société Zion Construction, est un compte séquestre dont les fonds n’étaient pas destinés à être utilisés. Ce que la correspondance de la CENAREF n’a pas précisé. C’était une sorte de garantie pour rassurer la société. Sinon, pourquoi donnerait-on toute cette somme colossale pour une entreprise qui n’a pas encore démarré les travaux ? », ont questionné des sources proches du cabinet du ministre Constant Mutamba qui considèrent cette correspondance fuitée d’une tempête dans un verre d’eau pour soulever la population contre le min'Etat de la Justice.
Ce dernier a par ailleurs éclairé la lanterne de la CENAREF concernant « la proximité calendaire de l'ouverture du compte (de Zion construction à la Rawbank) et du (premier) versement ». Il a expliqué que cette société, faute de posséder un compte bancaire à la Rawbank, où se trouve le compte de la source de financement, a dû s'enregistrer auprès de cette banque dans le but d'éviter de supporter plus de 300.000 USD au titre des commissions pour une transaction interbancaire.
Sur base de sa correspondance du 3 avril 2025 adressée à l’Inspecteur général des finances – chef de service de l'IGF, le ministre de la Justice a sollicité de Jules Alingete une mission de contrôle à Kinshasa pour suivre les dépenses effectuées par Le Fonds de réparation des indemnisations des victimes des activités illicites de l’Ouganda en RDC (FRIVAO) et faire le suivi des travaux de la construction de la nouvelle prison de Kisangani. A cette lettre, Alingete a répondu positivement comme en témoigne son ordre de mission établi le 30 avril.
« Objet de la mission :
· S’assurer de la régularité de cet établissement public, notamment : des victimes des activités arlées de l’Ouganda en RDC ;
· S’assurer de la bonne exécution des projets déjà financés et ceux qui sont en cours de financement notamment des paiements faits au profit de la SNEL SA et de l’ICCN ;
· S’assurer de la régularité, de la conformité et de la justification de toutes les autres dépenses ;
· Faire le suivi du projet de la construction de la nouvelle prison », a ordonné Jules Alingete.
Zion Construction ou une invention de Mutamba ?
D’après les renseignements tirés de son site internet opérationnel depuis 2021, Zion Construction, certifiée par « OSHA », licence sur la sécurité et la santé au travail à l'appui, est une entreprise de droit américain basée au n°59 Merriam Avenue, Leominster, Massachusetts 01453, États-Unis. L’entreprise est logée aux Etats-Unis, à Sion précisément (banlieue nord de Chicago), et est spécialisée dans les nouvelles constructions et les réparations/restaurations. Elle a déjà travaillé pour la marine, l'armée de terre, l'armée de l'air et le DOT sur les contrats fédéraux, l'État et certains projets commerciaux. Les lieux d'emploi occupés et pleinement opérationnels ne sont jamais un problème pour Zion Construction. L’entreprise américaine sait planifier, gérer et construire des emplois en plusieurs phases.
Arrivée en RDC, la société américaine devrait se conformer aux lois congolaises en créant une représentation avant de bénéficier d’un marché congolais et donner de l’emploi à la population locale. D’où la représentation Zion Construction Sarl.
La prison centrale de Kisangani au bord de l’explosion !
Construite pour 500 personnes, la prison centrale de Kisangani, dans la province de la Tshopo, regorge à ce jour 1350 détenus entassés comme des sardines. Cette prison traverse une crise humanitaire sans précédent. Ce qui est à la base de plusieurs maladies compte tenu des conditions d’hygiènes lamentables. Une situation qui met en lumière les dysfonctionnements chroniques du système carcéral en République Démocratique du Congo.
Selon César Mwimba, directeur de l’établissement pénitentiaire, la prison conçue initialement pour 500 détenus en héberge aujourd’hui plus de 1 350. Cette surpopulation extrême, révélée lors d’une rencontre avec Mattheus Kanga Londimo, président de l’Assemblée provinciale de la Tshopo, crée des conditions de vie inhumaines pour les prisonniers.
D’après une dépêche de la Radio Okapi, l’explication réside en partie dans l’afflux massif de militaires fuyant les conflits armés qui ravagent l’Est du pays. Cette cohabitation forcée entre civils et militaires génère des tensions permanentes au sein de la prison. « Le climat est extrêmement tendu », confirme le directeur Mwimba, décrivant une promiscuité dangereuse et des rationnements alimentaires insuffisants.
Face à cette urgence humanitaire, les autorités provinciales promettent d’intervenir. Le président de l’Assemblée provinciale s’est engagé à alerter les instances compétentes. En attendant, ce sont les organisations caritatives et les communautés religieuses locales qui tentent tant bien que mal de combler les carences de l’État.