
Par la rédaction
À l’approche de la clôture de la session parlementaire de mars, prévue pour le 30 juin, un parfum de verrouillage politique flotte dangereusement sur l’Assemblée provinciale de Kinshasa. Plusieurs députés provinciaux accusent ouvertement le président de l’organe délibérant, Lévi Mbuta, de bloquer systématiquement les initiatives de contrôle parlementaire. Motif ? Des instructions directes venues – selon eux – du gouverneur Daniel Bumba Lubaki, désormais qualifié de “chef” par le président de l’Assemblée.
Depuis le début de cette session, pas moins d’une demi-douzaine d’initiatives parlementaires ont été mises sous silence, sans discussion ni débat. Une attitude que certains députés assimilent à une “complicité institutionnelle”, voire à une trahison du mandat populaire.
Un président devenu bouclier de l’exécutif
Le cas le plus récent et le plus scandaleux est celui de l’initiative portée par le député provincial Roland Kikunda Kiki, déposée le 2 juin 2025. Visant à interpeller le ministre provincial de l’Intérieur sur la recrudescence des braquages dans la capitale, cette question est aujourd’hui classée sans suite. La raison ? Le président Lévi Mbuta, imperturbable, aurait jugé l’initiative “inopportune”, évoquant la stabilité institutionnelle comme priorité.
Mais quelle stabilité peut justifier le silence face à une insécurité qui coûte des vies ? « Lévi Mbuta préfère voir les Kinois mourir que de froisser son protecteur politique », lâche un élu, visiblement à bout.
Autre exemple : l’initiative de l’honorable Norbertine Matanda sur l’enclavement de Kinshasa, notamment dans la commune de Lemba, adressée au ministre provincial des Infrastructures et Travaux publics, est restée sans réponse de la part du Bureau de l’Assemblée provinciale, alors que la population attend des solutions concrètes à ses problèmes de mobilité et de sécurité.
L’affaire Mukanu : une interpellation enterrée ?
Et ce n’est pas fini. Une autre initiative explosive est aujourd’hui dans l’impasse : la question orale avec débat déposée par le député provincial Aubin Mukanu contre le gouverneur Daniel Bumba Lubaki. Le sujet touche un nerf à vif : la gestion calamiteuse de Kinshasa. Revenant d’un séjour officiel dans le Lualaba, où les infrastructures modernes prolifèrent sous la houlette de Fifi Masuka, l’élu de Mont-Ngafula est revenu avec des comparaisons qui font mal : insalubrité, insécurité, routes dégradées, écoles et hôpitaux à l’abandon, promesses non tenues…
« Il est temps de savoir d’où vient la ville, où elle en est et où elle va », a-t-il lancé d’un ton grave et direct.
Mais à l’Assemblée, c’est le mutisme. La correspondance est bien arrivée. Les questions – au nombre de 22 – sont sur la table. Et pourtant, silence radio du bureau. Le dossier est gelé, comme tant d’autres.
Des engagements, peu de résultats
Dans son argumentaire, le député Mukanu dresse un bilan sévère :
• Routes inachevées ou déjà dégradées ;
• Aucune stratégie contre les embouteillages ;
• Hôpitaux et écoles en souffrance ;
• Insalubrité chronique ;
• Gestion opaque des recettes ;
• Inaction face à l’insécurité grandissante.
À cela s’ajoutent les promesses non tenues : livraison du marché central, mise en œuvre des zones agro-industrielles, création d’un guichet unique pour la gestion des finances urbaines… Toutes aux abonnés absents.
Une interpellation politique à fort enjeu
Alors que l’Assemblée semblait anesthésiée depuis plusieurs mois, l’offensive d’Aubin Mukanu pourrait marquer un tournant. En ciblant directement le gouverneur, mais aussi implicitement ceux qui le protègent, cette démarche remet sur la table l’exigence de redevabilité.
« La réussite de ce mandat est un héritage collectif », rappelle Mukanu. Mais sans résultats, pas de soutien aveugle.