RDC–Ouganda : la réouverture de la frontière de Bunagana divise la population de Rutshuru entre espoirs économiques et craintes sécuritaires

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Bunagana, poste frontalier entre la RDC et l'Ouganda [photo d’illustration]
Bunagana, poste frontalier entre la RDC et l'Ouganda [photo d’illustration]

Par la Rédaction 

La décision de l’Ouganda de rouvrir officiellement, ce jeudi 10 juillet 2025, le poste frontalier de Bunagana, fermé depuis plus de deux ans, suscite des réactions partagées au sein de la population de Rutshuru, au Nord-Kivu. Une ouverture annoncée par le gouverneur du district de Kisoro, Abel Bizimana, dans une zone toujours sous contrôle du M23-AFC.

Alors que Kampala justifie cette relance du commerce par la volonté de compenser le manque à gagner observé depuis 2022, plusieurs Congolais redoutent que cette reprise profite avant tout à la rébellion.

Dans les marchés de Rutshuru, l’annonce a été accueillie avec prudence, mais aussi avec espoir par une partie de la population, notamment les petits commerçants, qui dépendent des échanges transfrontaliers.

"Nous, les petits commerçants, on souffrait. Cette ouverture va nous permettre d’acheter à moindre coût et de vendre ici. Même si la zone est contrôlée, on a besoin de vivre", confie une vendeuse des produits agricoles de Rubare.

Pour ces acteurs économiques, la réouverture pourrait alléger les coûts d’approvisionnement, faciliter la circulation des marchandises, et relancer une activité commerciale paralysée depuis plus de deux ans.

Mais cette décision n’est pas perçue de manière unanime. Pour d’autres habitants, cette reprise du commerce frontalier risque de renforcer les capacités économiques du M23-AFC, qui contrôle toujours la région.

"Cette ouverture, c’est une manière de renforcer les finances du M23. Plus il y aura du commerce ici, plus ils vont se stabiliser. Que Kinshasa fasse de son mieux, pour que cette rébellion ne dure pas plus longtemps sur cette douane", exhorte un habitant de Bunagana, visiblement déçu.

Dans une zone déjà fragilisée par les conflits, plusieurs voix redoutent que la légitimation de facto de la rébellion ne vienne affaiblir encore davantage l’autorité de l’État congolais.

Depuis la prise de Goma et Bukavu par les forces du M23-AFC, les postes rwandais sont restés opérationnels. L’Ouganda, qui partage des intérêts économiques dans la région, semble avoir choisi de ne pas rester à la traîne. Selon plusieurs analystes, cette manœuvre pourrait permettre à Kampala d’écouler ses produits sur un marché congolais captif, tout en consolidant sa présence dans la zone.

Pour rappel, le poste de Bunagana fonctionnait déjà de manière informelle depuis juin 2022. Cette réouverture officielle apparaît désormais comme une normalisation d’une situation de fait.

À ce jour, les autorités congolaises n’ont pas encore réagi officiellement à cette démarche ougandaise, bien qu’une rencontre ait récemment eu lieu à Kinshasa entre le Président Félix Tshisekedi et le général Muhoozi Kainerugaba, chef de l’Armée ougandaise.

Pendant ce temps, à Rutshuru, les habitants continuent de vivre sous tension : entre espoir d’un mieux-vivre et crainte d’un enracinement durable de la rébellion.

Jeudi 10 juillet 2025 - 22:23