
Par la Rédaction
Acculé par une question orale avec débat initiée par le député provincial Aubin Mukanu Isukana, le gouverneur de la ville de Kinshasa, Daniel Bumba Lubaki, multiplie les stratagèmes pour échapper au contrôle parlementaire. Des tentatives d’intimidation, à l’asphyxie financière de l’Assemblée provinciale, en passant par une pétition téléguidée contre la vice-présidente Germaine Tshinyama : tout est mis en œuvre pour neutraliser le bureau et éviter de répondre devant la représentation provinciale.
Depuis le dépôt, le 30 septembre dernier, de la question orale avec débat lui adressée par le député Aubin Mukanu, élu de Mont-Ngafula, Daniel Bumba Lubaki semble engagé dans une fuite en avant. Plutôt que d’affronter le débat public sur sa gestion, le gouverneur de Kinshasa choisit la voie des manœuvres et des pressions politiques pour faire tomber l’initiative parlementaire.
Tentatives de dissuasion et instrumentalisation
Dans un premier temps, plusieurs démarches ont été entreprises pour convaincre le député Aubin Mukanu d’abandonner son initiative. Propositions, sollicitations et promesses auraient circulé — en vain. L’élu de Mont-Ngafula, déterminé, maintient son intention d’obtenir des explications sur la gestion de la capitale.
Face à cet échec, le gouverneur aurait actionné un second levier : l’instrumentalisation de certains députés. Samedi matin, les Kinois ont pu entendre sur les ondes de Top Congo FM une sortie médiatique du député Nicolas Wembankoy, président de la prestigieuse commission PAJ, affirmant que « l’initiative de la question orale avec débat est inopportune, la session étant budgétaire ». Un argument jugé fallacieux par plusieurs observateurs, qui y voient une justification fabriquée pour couvrir un acte d’ingérence. « Ce sont des élucubrations sans base juridique, inspirées par le gouverneur qui ne veut pas être contrôlé », commente un membre du bureau de l’Assemblée.
Asphyxie financière de l’Assemblée provinciale
Autre front de tension : le blocage des moyens financiers destinés à l’Assemblée provinciale. « Depuis l’ouverture de cette session parlementaire, aucun rond ne nous a été versé pour nous permettre d’organiser les activités parlementaires », confie un membre du cabinet du rapporteur. Selon la même source, ce manque de financement serait à l’origine du report de la plénière qui devait examiner la motion de déchéance du président Lévi Mbuta. Sous couvert de “problèmes logistiques”, c’est en réalité une stratégie d’asphyxie budgétaire visant à paralyser le fonctionnement de l’institution et à empêcher tout contrôle sur l’exécutif provincial.
En agissant ainsi, le gouverneur Daniel Bumba se place en violation flagrante du principe d’autonomie institutionnelle garanti par la Constitution. Le refus d’octroyer les moyens nécessaires au bon fonctionnement du Parlement provincial est une atteinte directe au contrôle démocratique et un acte de mépris envers la représentation du peuple kinois.
Une pétition orchestrée contre la vice-présidente Germaine Tshinyama
Comme si cela ne suffisait pas, une nouvelle manœuvre se dessine. Informé que la convocation de la question orale devait lui être transmise ce lundi, le gouverneur aurait lancé une offensive interne pour déstabiliser la présidente intérimaire, Germaine Tshinyama, qui assure la direction du bureau depuis l’empêchement du président Lévi Mbuta.
Un gouverneur acculé par de lourds griefs
Mais que redoute tant Daniel Bumba Lubaki ?
La question orale déposée par le député Aubin Mukanu pointe du doigt *une série de manquements graves dans la gestion de la capitale* :
• Baisse spectaculaire des recettes de la DGRK, passées de 5 millions à 2 millions USD depuis son arrivée ;
• Opacité autour de la taxe d’embarquement à l’aéroport de N’djili et de la taxe de stationnement ;
• Absence de transparence sur le nombre d’assujettis aux impôts et taxes ;
• Flou persistant autour de la taxe de consommation censée renflouer la caisse de la ville ;
• Arriérés de salaires des agents urbains, entraînant baisse de productivité et fraude ;
• Multiplication des marchés publics conclus de gré à gré ;
• Mauvaise gestion des biens immobiliers et des marchés urbains ;
• Controverse sur la relance du marché central de Kinshasa.
Autant de sujets sensibles qui, s’ils étaient débattus en plénière, pourraient gravement ternir l’image du gouverneur et révéler les failles profondes de sa gestion.
Selon plusieurs sources proches du dossier, une pétition est en cours de préparation pour obtenir sa destitution. « Tout est mis en place pour écarter la présidente intérimaire parce qu’elle refuse d’exécuter les ordres du gouverneur », confie un proche du dossier. Des équipes travailleraient déjà sur les griefs à présenter, pendant que la récolte de signatures serait “presque bouclée”.