Les Jeeps de Tshisekedi aux députés « warriors »: cadeau empoisonné

Par Edmond Izuba

Remettre des Jeeps à ceux qui ont réalisé des exploits à l'échelle  nationale est une pratique propre aux chefs d'Etat qui se sont succédé à la tête de la République démocratique du Congo. Depuis Kasa-Vubu, Mobutu et les Kabila père et fils, des champions de sports  et des artistes ont bénéficié de ce type de donation. Des véhicules tout terrain ou Jeeps étaient une marque suprême de reconnaissance des autorités. Des chefs religieux et des politiques sont également comptés parmi les grands bénéficiaires de ces donations présidentielles. Cette forme de récompense est bien connue des Léopards, la sélection nationale de football congolais. C'est un bénéfice aux prouesses. Les Léopards football connaissent bien ce modus operandi au sommet de l'État après leurs titres raflés à plusieurs occasions, CHAN ou CAN.  

La toile s'est enflammée après l'audio du président de l'Assemblée nationale qui annonçait, lors d'une rencontre entre députés de l'Union Sacrée autour d'un verre à Pullman de Kinshasa, que le Chef de l'État vient de réaliser sa promesse d'offrir gracieusement des Jeeps aux 500 députés. Ce raccourci -de sport à la politique- n'est pas apprécié par une opinion congolaise très critique qui éprouvent de la peine à cerner l'opportunité ainsi que le bien-fondé de cette récompense. «Ces députés ont réalisé quelles prouesses pour mériter cette faveur?», s'interrogent-ils.

Contrairement aux législatures passées, qui donnaient à crédit des Toyata Prado ou TXL, la législature du pouvoir dénommé «Le peuple d'abord» offre 500 Palisade Hyundai pimpant neuf (2019-2020) aux 500 députés que compte l'Assemblée nationale. Ces gigantesques charrois automobiles se trouvent déja en stationnement au port de Matadi, donc en RDC. Les photos font le tour de la toile. Un rêve devenu réalité pour les jeunes députés et les suppléants qui viennent de remplacer les députés nommés ministres.

Le peuple d'abord !

De l'autre côté des réseaux sociaux on temporise...«Qui a dit que le Président a offert gratuitement ces jeeps aux députés. Il s'agit bel et bien de prêts comme il est de coutume chez les députés à chaque législature. Cette réaction pour apaiser les critiques acerbes, intervient tardivement. La communication faite par les institutions et les témoignages ont conditionné la conviction des uns et des autres.

Un parallélisme est vite fait par rapport à la situation dramatique que traverse le pays sur le plan socio-économique. La nouvelle marque Hyundai aurait coûté au chef de l'État, le prix d'achat plus transport, une bagatelle somme de 26 millions de dollars USD (52 mille dollars US X 500). Les analyses comparatives épinglent la légèreté de cette  offre présidentielle au mépris des urgences sociales et sécuritaires.

Les victimes de l'éruption volcanique de Goma passent la nuit à la belle étoile ; la grève des infirmiers paralyse les hôpitaux publics; le grève du personnel soignant commis à la riposte contre la Covid-19 contribue à l'aggravation de la propagation de la pandémie; la modicité de la solde des militaires au front ; la précarité dans laquelle vivent les enseignants Non Payés (N.P) et Nouvelle Unité (N.U)...

Le côté sombre de ce don est une démonstration de force d'un pouvoir qui se montre redevable envers une catégorie de la classe politique. Le peuple d'abord reste le cadet de ses soucis. Les pleurs, les cris de détresse, les larmes de la population deviennent des simples refrains inaudibles aux oreilles des décideurs.

La manne dans l'abondance ?

C'est une manne de trop, pour ne pas dire exagérée. Mais en Afrique précisément en RDC, l'abondance ne nuit pas. On en a procure sans gêne. Le député semble avoir perdu la casquette du représentant du peuple. Dans leur casaque des politiciens purs, ils vivent dans l'opulence alors que la majorité de Congolais croupit dans la misère la plus noire. Ces députés à qui la république offre plusieurs avantages sociaux, sans compter leurs immunités, devraient encore bénéficier des offres des Jeeps de la part du Chef de l'État ? Avec un salaire mensuel (visibles et invisibles) qui avoisine 20 mille dollars USD, les députés devraient compatir à la douleur du souverain primaire. Ce cadeau qui partage les avis des uns des autres, pourrait empoisonner les relations entre les électeurs et leurs élus. A défaut, un refus poli de ne pas toucher à ces jeeps marquerait les esprits. Refuser le luxe et le confort pour vivre en harmonie avec sa base, éviterait aux élus les mauvais commentaires