RDC : "Extinction Rébellion" s'oppose à la vente des blocs pétroliers et gaziers et exige une enquête de l'IGF

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[Photo d'illustration]
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Par Gratis Makabi

L'Extinction Rébellion et d’autres organisations de la société civile congolaise s'opposent à la vente des blocs pétrolier et gazier, et les négociations pour intégration dans le projet dévastateur EACOP.

D ans une déclaration faite ce jeudi 31 mai 2024, par Jacques Issongo, l'Extinction Rébellion fustige cette vente étant donné que tous les processus préalables (le plan procédural et légal, le plan écologique et socio-économique) n’ont pas été respectés.

"C'est pourquoi Extinction Rébellion se positionne, aux côtés d'autres organisations de la société civile, pour s'opposer à... l’intégration de la République démocratique du Congo dans le projet destructeur de l’East African Crude Oil Pipeline (EACOP), étant donné que le projet en soi est déjà rejeté par les communautés ougandaises et tanzaniennes, à cause de nombreuses violations des droits humains et de la conservation de notre planète", a-t-il déclaré.

L'Extinction Rébellion exige, en outre, qu’une enquête minutieuse soit ouverte par l’IGF -Inspection générale des finances- sur le cas de vente de bloc pétrolier et gazier, et que la justice se saisisse d’office du dossier impliquant l’ancien Ministre des Hydrocarbures, Didier Budimbu.

Elle demande au Gouvernement congolais d'investir dans des domaines qui sont considérés comme des alternatives claires et durables, pour notre pays et les générations futures, telles que les énergies renouvelables, le tourisme, l’agriculture, la pêche et le désenclavement de certaines zones du pays.

"En date du 28 juillet 2022, la République démocratique du Congo avait lancé des appels d’offres concernant 27 blocs pétroliers et 3 blocs gaziers. Ces appels d’offres avaient suscité plusieurs controverses au sein de nombreuses organisations de la société civile, tant au niveau national qu’international, dans les secteurs de l’environnement et des droits humains. Les critiques ont mis en avant le manque de transparence du processus d’enchères, ainsi que les risques environnementaux et sociaux liés à l’exploitation des hydrocarbures, surtout en cette période où la planète fait face au changement climatique.

La combustion des fossiles libère des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, accélérant ainsi le changement climatique. Elle libère également d’autres polluants tels que les oxydes d’azote, le dioxyde de soufre et les particules fines, nuisibles à la santé humaine et à l’environnement. Plusieurs pays subissent déjà les graves répercussions du changement climatique, notamment la sécheresse, les inondations, l’élévation du niveau de la mer et les cyclones. Actuellement, la ville de Kalemie est frappée par des inondations dues à la montée des eaux du lac Tanganyika. Pour inverser cette tendance, plusieurs pays ont pris conscience de l’urgence de réduire la production de gaz à effet de serre, à l’instar de l’Accord de Paris. Cet Accord, adopté en 2015 par 196 pays, lors de la COP 21, est un traité international juridiquement contraignant sur le changement climatique, et a été salué comme un Accord historique marquant une étape importante dans la lutte contre le changement climatique. Ainsi, nous estimons que la mise sur le marché de ces blocs constitue une entrave aux prescriptions légales et réglementaires en vigueur en RDC. Pour le gouvernement congolais, la mise sur le marché de ces 30 blocs pétroliers et gaziers représente une occasion de transformer l’une de ses ressources naturelles en richesse, contribuant ainsi à l’augmentation du budget de l’État. Mais nous, organisations de la société civile et mouvements de jeunes, considérons que cette exploitation ne sera pas la solution miracle au problème économique congolais. La RDC, contrairement à plusieurs pays qui n’ont que le pétrole comme richesse, dispose d’une diversité de ressources capables de booster son développement, tout en assurant la durabilité. Par exemple, selon un rapport du CAFI (Central African Forest Initiative), la RDC est potentiellement la 7e puissance agricole au monde, grâce à son immense potentiel en terres arables, sa grande diversité climatique, son réseau hydrographique et son potentiel en termes d’irrigation, de pêche et d’élevage. Il est
donc possible de booster l’économie de la RDC, en promouvant une agriculture durable et adaptée", indique le communiqué.

L'Extinction Rébellion et d'autres organisations de société civile ont trouvé de nombreuses incohérences dans le processus de vente des blocs pétroliers.

Sur le plan procédural et légal

Ils dénoncent les irrégularités suivantes, dans la mise sur le marché de ces blocs :

● L’incohérence entre le nombre de blocs approuvés à la 48ème réunion du conseil des ministres du 08 avril 2022 (16) et celui publié dans les appels à manifestation d'intérêt (30). Ceci va à l’encontre du principe selon lequel le Conseil des ministres assure le contrôle et la régulation de la procédure d’appel d’offres, en raison du caractère stratégique des ressources en hydrocarbures..

● L’absence des documents stratégiques de gouvernance quant aux hydrocarbures
: l’inexistence d’une politique nationale en matière d’hydrocarbures, comme prévu par la Loi n°15/012 du 1er août 2015 portant régime général des hydrocarbures.
L’article 11 stipule que le gouvernement élabore et met en œuvre la politique nationale en matière d’hydrocarbures. À cet effet, il fixe les orientations générales en matière de gestion et de mise en valeur des ressources d’hydrocarbures et d’approvisionnement régulier et suffisant en produits pétroliers, pour couvrir les besoins sur l’ensemble du territoire national. Ces orientations sont intégrées dans la politique de développement national. Il assure, en outre, la promotion de la transparence, de la bonne gouvernance et veille à la protection de l’environnement dans les activités d’hydrocarbures tant en amont qu’en aval.

● L’attribution des blocs pétroliers en dehors du processus d’aménagement du
territoire en cours en RDC, constitue un problème pour le développement harmonieux et durable du pays, en allant dans le sens d’une gestion cohérente et durable de l’espace et des ressources naturelles. Cette mise sur le marché pourrait entraîner une multitude de conflits d’usages entre secteurs.

● Les superpositions par rapport aux droits acquis : concessions foncières, concessions
forestières, concessions agricoles, concessions forestières des
communautés locales, etc.

● L’absence de l’administration sectorielle et la faible capacité de l’administration dans les zones concernées. En tant que ministère à part entière, il est jeune avec une administration qui se déploie progressivement. Elle n’est pas présente dans toutes les provinces et ne dispose pas, dans la plupart des cas, des experts nécessaires (ingénieurs en gaz et pétrole, impact environnemental et social, etc.).

Sur le plan écologique

● L’absence d’une étude d'impact environnemental et social prouvant que l’exploration ou l’exploitation d’hydrocarbures ne nuit pas à la conservation des spécimens des espèces de faune et de flore et de l’habitat naturel. La RDC, avec un massif forestier d’environ 155,5 millions d’hectares, soit 10% des forêts tropicales de la planète et plus de 60% des forêts du Bassin du Congo, est le deuxième pays ayant la plus vaste forêt tropicale humide au monde. Elle regorge également d’importantes réserves d’écosystèmes naturels, constitués de nombreuses espèces endémiques de faune et de flore. La RDC est classée au 5è rang mondial pour sa riche biodiversité. Ainsi, toutes les activités extractives sans EIES (études d'impact environnemental et social) préalable seraient catastrophiques.

● La superposition des certains blocs pétroliers avec les aires protégées (le Parc Marin de mangrove, le Parc National d'Upemba et le Parc National de Virunga), les tourbières et les zones à haute valeur écologique : la superposition des blocs sur les aires protégées et les zones à haute valeur écologique viole la loi sur la conservation de la nature de 2014, en son article 1er, alinéa 2, qui stipule que « l’État établit un système national d’aires protégées et de sites où des mesures spéciales sont prises, en vue de lutter contre toute intervention susceptible d’en altérer l’aspect, la composition et l’évolution aux fins d’assurer la conservation de la diversité biologique et des monuments naturels d’intérêt national». L’analyse minutieuse de cette disposition légale démontre que les activités des hydrocarbures, tant en amont qu’en aval, ont pour conséquence logique l’altération des aires protégées. Ceci est également soutenu par les dispositions de l’article 25 de la loi susmentionnée qui précise que «toute activité incompatible avec les objectifs de la conservation est interdite dans les aires protégées (…) Sous réserve des dérogations prévues par la présente loi, est nul tout droit accordé dans les limites des aires protégées et leurs zones tampons».

Sur le plan socio-économique

● L’absence des Consultations Libres Informées Préalablement (CLIP) auprès des
communautés locales et autochtones qui seront affectées par les projets. L’article 46 de la loi n°22/030 du 15 juillet 2022 stipule que : «le pouvoir central, la province et les entités territoriales décentralisées consultent les peuples autochtones pygmées concernés, et coopèrent par l’intermédiaire de leurs représentants dûment choisis par eux-mêmes, en vue d’obtenir préalablement leur consentement libre et informer, avant toute mise en valeur, l’utilisation ou l’exploitation des ressources minérales, hydriques, pétrolières ou autres sur les terres qu’ils possèdent, occupent et utilisent traditionnellement».

D’après les expériences d’autres pays africains, les risques d’expropriation des communautés sur leurs terres entraîneront des tensions particulièrement dangereuses dans une région post-conflit comme l’Est de la RDC.

Vendredi 31 mai 2024 - 14:42