Nord-Kivu : Comment les actes de violence affectent la santé mentale et psychologique des journalistes ?

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Les journalistes du Nord-Kivu lors de l'activité sur la journée nationale de la presse à Goma [photo d'illustration]
Les journalistes du Nord-Kivu lors de l'activité sur la journée nationale de la presse à Goma [photo d'illustration]

Par Gloire Balolage 

La Journée nationale de la liberté de la presse a été célébrée dans la province du Nord-Kivu, ce lundi 22 juillet 2024, dans la ville de Goma, sous le thème : "Le coût psychologique du journalisme en zone de conflit". La réalité est que la guerre représente bien plus qu’un simple sujet d’information ; elle est une menace directe au bien-être mental des journalistes.

Les chevaliers de la plume ont célébré cette journée marquée par une résilience, mais aussi par une profonde tristesse. Ces reporters, témoins oculaires des événements tragiques, vivent au quotidien les conséquences de la guerre depuis 1994. Entre les assassinats et les récits d'horreur, le poids émotionnel du journalisme en zone de guerre s’avère être un fardeau difficile à supporter.

Les effets de cette guerre ne se limitent pas aux actes de violence, mais s'étendent au mental et à la santé psychologique des journalistes, dont beaucoup sont directement touchés par cette violence.

Dans un contexte où le Nord-Kivu continue d’être le théâtre des affrontements armés, les journalistes se voient souvent contraints de fuir leurs foyers, devenant ainsi des déplacés au sein même de leur pays. Ils se retrouvent partagés entre leur mission d’information et un environnement de travail devenu hostile. Depuis près de trois décennies, des générations de journalistes, majoritairement âgées de 25 à 30 ans, subissent les horreurs de la guerre, un traumatisme qui persiste et qui façonne leur réalité quotidienne.

Cette journée a servi de cadre à l'Union nationale de la presse du Congo (UNPC-Nord-Kivu), pour réfléchir sur des solutions visant à atténuer le stress engendré par ce métier aux enjeux si élevés. Henri Kabeya, psychologue, a été invité à s’exprimer sur les impacts psychologiques du stress post-traumatique, apportant des éclairages cruciaux sur la manière de prendre en charge ces situations critiques.

Il a mis en avant l'importance d'initier des étapes de prévention, de soins et de gestion des situations stressantes liées à leur profession. La prévention commence par une information adéquate : comprendre à quoi ils s'exposent et identifier les défis auxquels ils doivent faire face. "La situation des journalistes dans les zones de guerre est préoccupante. Ils ont besoin d'un soutien, d'une sensibilisation et d'une formation sur la santé mentale", a souligné Henri Kabeya. 

Les événements dramatiques et tragiques auxquels les journalistes sont confrontés, tels que les tueries ou la mort de personnes qu'ils couvrent, constituent des événements traumatiques ayant des conséquences profondes. Ce dernier a expliqué que ces réactions dépendent d'une réaction normale aux événements anormaux, suggérant la nécessité pour les journalistes de reconnaître et d'accepter le choc émotionnel qu'ils peuvent ressentir.

Pour faire face à ces défis, il a recommandé plusieurs stratégies que les journalistes peuvent adopter, pour prendre soin d’eux-mêmes. "Pratiquer des activités sportives, écouter de la musique, interagir avec des enfants, et partager des émotions avec des personnes de confiance sont essentiels", a-t-il expliqué. 

La présidente de l'UNPC Nord-Kivu a également souligné la nécessité de créer des espaces de soutien pour les journalistes, ainsi que des outils concrets pour les aider à gérer le stress lié à leur travail. "Nous attendons favoriser le bien-être psychologique des journalistes, en leur offrant un espace de soutien et des outils concrets pour gérer les stress liés à leur travail dans nos zones en proie à des conflits et des violences", a-t-elle déclaré.

Et d'ajouter : "Un journaliste qui ne prend pas soin de sa santé mentale risque de voir sa performance professionnelle diminuée, sa qualité de travail affaiblie et sa résilience fragilisée face aux défis quotidiens auxquels nous sommes confrontés".

La Journée nationale de la liberté de la presse en République démocratique du Congo a permis de mettre en lumière des enjeux cruciaux pour les journalistes en zone de conflit, soulignant plus que jamais que leur rôle va au-delà de la simple rédaction d’articles. C’est aussi un combat pour la dignité et la santé mentale dans un environnement hostile, où chaque jour représente un nouveau défi à surmonter.

Mardi 23 juillet 2024 - 09:18