![Vue aérienne du village de Lac Paku dans la forêt de tourbières près de Mbandaka dans la province de l’Équateur en RDC [photo d’illustration]](/sites/default/files/styles/media_interne_1280x720/public/2025-03/IMG-20250315-WA0015.jpg?itok=a2gQjNXn)
Par Prosper Buhuru
La création d’une aire protégée à vocation de réserve communautaire, dénommée "Couloir Vert Kivu-Kinshasa", soulève à la fois des espoirs et des inquiétudes. Porté par le décret n°25/01 du 15 janvier 2025, ce projet d’envergure vise la préservation de 100.000 km² de forêts primaires, tout en soutenant le développement d’une économie verte entre l’Est et l’Ouest de la RDC -République démocratique du Congo-.
Si l’initiative est largement saluée par le groupe "Les Écologistes RDC", qui y voit une opportunité pour la RDC de s’imposer comme un leader mondial de la conservation et du développement durable, des préoccupations subsistent quant à son processus de mise en œuvre.
L’instauration de ce corridor écologique s’inscrit dans la droite ligne des engagements du pays en matière de lutte contre les changements climatiques. Elle répond notamment aux promesses faites lors de la COP26, à Glasgow, en 2021. En reliant le Kivu à Kinshasa, le projet ambitionne de structurer un espace de conservation et de développement durable, tout en renforçant la résilience des écosystèmes congolais.
Le décret prévoit également un cadre juridique aligné sur la loi n°14/003 du 11 février 2014 portant conservation de la nature. Il met un accent particulier sur l’inclusion des communautés locales et des peuples autochtones pygmées, qui devraient jouer un rôle clé dans la gestion de la réserve.
Malgré cette vision louable, "Les Écologistes RDC" alertent sur des lacunes majeures dans l’élaboration du projet. Selon leur note technique parvenue à la rédaction d’Opinion-info.cd, le principe du Consentement Libre, Informé et Préalable (CLIP), pourtant mentionné dans le décret, n’aurait pas été pleinement respecté.
Les consultations auprès des communautés locales et des autorités provinciales du Nord-Kivu seraient restées insuffisantes. L’absence de concertation a entraîné des erreurs notables, comme l’intégration d’une entité administrative inexistante (territoire de Butembo) et l’omission de certaines zones forestières stratégiques, notamment le territoire de Walikale, pourtant considéré comme le poumon vert du Nord-Kivu.
Sans une réelle implication des populations locales, "le projet pourrait être confronté à un rejet social", estiment les experts écologistes. Ils insistent sur la nécessité d’une gouvernance participative et d’une cartographie plus inclusive, qui prendrait en compte l’ensemble des territoires concernés.
En outre, l’implication des communautés dans la gestion et la protection des ressources naturelles est jugée essentielle, pour éviter toute marginalisation et assurer un développement réellement durable.
Face à ces préoccupations, "Les Écologistes RDC" demandent à la Première ministre de revoir certains aspects du décret, afin de garantir une appropriation collective du projet. Ils appellent notamment à une meilleure intégration des territoires forestiers clés, comme Walikale; une consultation élargie incluant toutes les parties prenantes locales; ainsi qu’une gouvernance participative et un suivi transparent de la mise en œuvre du projet.
Le Couloir Vert Kivu-Kinshasa pourrait représenter une avancée majeure pour la conservation en RDC et au niveau international. Mais, pour en assurer le succès, il est impératif d’impliquer pleinement ceux qui en seront les premiers acteurs : les communautés locales et les peuples autochtones pygmées.
Pour rappel, le Président de la République démocratique du Congo, Felix Tshisekedi, avait annoncé, le 22 janvier dernier, à Davos-Suisse (lors du Forum économique mondial), la création de la plus grande réserve forestière tropicale protégée au monde, appelée "le couloir vert Kivu-Kinshasa", également connu sous le nom de "Réserve du fleuve Congo." Et ce, en réponse à la crise climatique croissante au pays.
Long de 550.000 km², dont 285.000 km² de forêt primaire et 60.000 km² de tourbières intactes, ce projet vise à sauvegarder l’avenir du Bassin du Congo, le plus grand puits de carbone des forêts tropicales du monde. Ce Couloir va également contribuer à stimuler la croissance économique, afin de réduire la violence et d'unir les parties Est et Ouest du pays .
Il permettra de transférer, chaque année, un million de tonnes de nourriture des Kivu vers Kinshasa. Un Fonds sera créé pour développer, le long du Bassin du Congo, des entreprises axées sur les énergies renouvelables, l'agriculture et la logistique. Pour ce faire, un investissement d’un milliard de dollars américains est nécessaire au cours des 3 à 4 prochaines années.