Est de la RDC : le CICR alerte sur l’effondrement du système de santé dans les Kivu aggravé par les conflits et le désengagement humanitaire

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Une structure de santé dans le territoire de kalehe au sud-kivu [photo d'illustration]
Une structure de santé dans le territoire de kalehe au sud-kivu [photo d'illustration]

Par Gloire Balolage 

Le CICR -Le Comité international de la Croix-Rouge- tire la sonnette d’alarme face à la situation dramatique du système de santé dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Conflits armés persistants, précarité économique, insécurité généralisée et effondrement des financements humanitaires menacent aujourd’hui directement la vie des millions de Congolais.

Dans une étude menée entre avril et mai 2025, portant sur 109 centres de santé dans les zones opérationnelles du CICR, les résultats dressent un constat alarmant, le système de santé des Kivu est en passe de s’effondrer.

«Aujourd’hui, avec un accès à des soins et à des médicaments fortement restreint, les risques pour une personne vivant au Nord ou Sud-Kivu de succomber des suites d’une blessure par arme ou d’une simple diarrhée n’ont jamais été aussi élevés», alerte François Moreillon, chef de délégation du CICR en RDC.

L’insécurité et les violences limitent les déplacements, entravent les évacuations sanitaires et provoquent la fuite du personnel soignant. Parallèlement, les structures de santé sont pillées, détruites ou privées d’approvisionnements médicaux. La situation s’aggrave encore avec la précarité des populations, incapables de payer les soins.

Le tableau est sombre, consultations pédiatriques divisées par deux au premier trimestre 2025 par rapport à 2024, couverture vaccinale en chute libre, multiplication des cas de mort-nés. «On observe une augmentation de plus de 4 fois du nombre de mort-nés dans les structures du Nord-Kivu», confirme Etienne Penlap, coordinateur santé du CICR. Ce constat est révélateur d’un accès toujours plus difficile aux soins maternels et néonatals.

Le premier trimestre 2025 a vu 2.351 blessés par arme traités dans les hôpitaux soutenus par le CICR, une augmentation de 172 % par rapport à la même période en 2024. Les blessures, de plus en plus graves, sont souvent causées par des armes explosives. Elles nécessitent des soins prolongés, avec des séquelles lourdes comme des amputations.

En réponse, le CICR a déployé cinq équipes chirurgicales et soutient régulièrement trois hôpitaux de référence dans la région. En tout, près de 7.000 interventions chirurgicales ont été réalisées.

Les besoins en santé mentale explosent également. Plus de 4.600 consultations en soutien psychosocial ont été enregistrées au premier trimestre 2025, soit sept fois plus qu’en 2024. «Les violences sexuelles, les traumatismes liés à la guerre et l’insécurité quotidienne pèsent lourdement sur la population», note Etienne Penlap.

Trois structures de santé sur cinq interrogées ont subi des pillages. La rupture de stock de médicaments est quasi généralisée. «Même les antidouleurs de base comme le paracétamol viennent à manquer», déplore Penlap. Le centre de santé de Kalehe au Sud-Kivu, comme tant d’autres, ne peut plus traiter les pathologies courantes telles que le paludisme ou les infections respiratoires.

Le transport des médicaments, déjà rendu complexe par les combats, est encore plus entravé par l’impossibilité actuelle d’atterrir à Goma et Bukavu. Les détours via d’autres pays alourdissent les coûts et allongent les délais. Le Grand Nord-Kivu est particulièrement affecté.

Cette crise est aggravée par la réduction drastique des financements humanitaires. Faute de fonds, certaines structures ont dû suspendre des services vitaux, comme la distribution des kits post-viol (PeP), essentiels pour la prise en charge des survivants de violences sexuelles.

Le CICR rappelle que le droit international humanitaire oblige les parties en conflit à respecter et protéger les hôpitaux, les soignants et les malades. Ces règles sont largement ignorées sur le terrain.

«La gravité de la situation nécessite que toutes les parties aux conflits prennent des mesures urgentes pour respecter et protéger les malades et le personnel soignant, ainsi que faciliter le passage rapide et sans encombre de secours humanitaires», insiste François Moreillon.

Malgré les obstacles, le CICR continue d’apporter un appui multiforme : 41 structures de santé soutenues pour un accès gratuit aux soins, 33.800 personnes accompagnées en santé mentale, 450 fauteuils roulants distribués, plus de 63.000 m³ d’eau potable livrés, et 27.250 litres de carburant fournis à plusieurs centres médicaux.

Mais sans un engagement ferme des acteurs politiques et un retour des financements, ces efforts resteront insuffisants. La santé des millions de Congolais, déjà fragilisés par des décennies de conflits, est aujourd’hui suspendue à un fil.

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Mercredi 18 juin 2025 - 12:42