Gécamines : une entreprise minière géante en chute libre malgré des milliards encaissés (Rapport Parlementaire)

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La cheminée de la Gécamines à Lubumbashi [photo d’illustration]
La cheminée de la Gécamines à Lubumbashi [photo d’illustration]

Par Prehoub Urprus 

Une mauvaise gestion chronique, des décisions controversées, une gouvernance jugée opaque : la Gécamines, autrefois fleuron de l’industrie minière congolaise, est aujourd’hui au cœur d’une tempête institutionnelle. Un rapport parlementaire, remis le 9 juin 2025 au président de l’Assemblée nationale Vital Kamerhe, dresse un constat alarmant sur l’état de l’entreprise publique.

Ce document consulté par nos confrères de la RFI -Radio France Internationale-, fruit d’un mois d’investigations menées par une mission parlementaire dirigée par le député John Kabeya Mbonda, pointe une gestion chaotique et éloignée des objectifs de production. Selon ses conclusions, la direction de la Gécamines souffre d’un manque de vision claire, aggravé par des prises de décisions hasardeuses et un fonctionnement jugé quasi-autonome, parfois même "télécommandé à distance".

L’année 2024 aura été particulièrement difficile : plus de 47 millions de dollars perdus dans une tentative ratée de relancer la production via le modèle de "traitement à façon", une méthode qui consiste à externaliser le traitement des minerais à des sociétés tierces. Un choix jugé peu rentable, voire contre-productif.

Parallèlement, la direction a engagé des dépenses massives, hors du champ d’action traditionnel de l’entreprise. Ainsi, 125 millions de dollars ont été injectés dans la création d’une minoterie et 43 millions supplémentaires dans la réhabilitation de deux tours jumelles à usage non précisé. Des investissements jugés peu prioritaires, alors même que la production de cuivre a chuté de 25 000 tonnes en 2019 à seulement 1 500 tonnes en 2024, et que le cobalt a complètement disparu des statistiques.

Les critiques des parlementaires visent aussi le style de gestion du directeur général, accusé de diriger l’entreprise à distance, en étant rarement présent à Lubumbashi plus de deux semaines par mois. Cette absence physique à la tête d’une entreprise stratégique alimente, selon eux, une perte de contrôle et une démobilisation interne.

Fait paradoxal : la Gécamines a pourtant enregistré plus d’un milliard de dollars de revenus en 2024 grâce à ses contrats de partenariat et de participation dans d’autres projets miniers. Pour la mission parlementaire, cette manne financière, si elle était rigoureusement gérée, suffirait à amorcer un véritable plan de redressement.

Mais en l’état, la mission évoque une entreprise en perte de cap, dont la situation appelle des réformes urgentes et une recentralisation de la gouvernance, au risque de voir disparaître une des dernières grandes entreprises publiques du secteur stratégique des ressources naturelles en RDC.

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Lundi 16 juin 2025 - 11:24