
Par Serge Mavungu
Cela fait exactement trois années que la cité commerciale stratégique de Bunagana, dans le territoire de Rutshuru, au Nord-Kivu, est contrôlée par l'Armée rwandaise sous couvert de ses supplétifs du M23-AFC, acculant la population congolaise soit à se déplacer en masse soit à survivre dans la peur sous le joug des forces d’agression et d’occupation.
"Cela fait trois ans que la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale de la RDC sont violées par le Rwanda, qui méprise avec arrogance les principes de base de la Charte des Nations Unies, pour imposer ses ambitions expansionnistes et piller à grande échelle les minerais stratégiques congolais, dans l’indifférence complice de la Communauté internationale", a écrit Denis Mukwege sur son compte X.
Et d'ajouter : "Cela fait trois ans que nos concitoyens sont plongés dans la souffrance et confrontés aux humiliations face à un régime d’exploitation et de prédation à l’origine de graves violations des droits humains et du droit international humanitaire commises en totale impunité."
À l'en croire, depuis tout ce temps, les forces d’occupation ont conquis progressivement de larges pans de l’Est du Congo, en installant des administrations illégales parallèles, démontrant leur volonté d’annexer les provinces du Nord et du Sud Kivu.
D'après Mukwege, dans ce contexte, le Président de la République et le Gouvernement congolais affirment prendre leurs responsabilités, alors que les autorités de la République n’ont jamais déployé la volonté politique nécessaire pour réformer le secteur de la sécurité, assainir la fonction publique et adopter une stratégie holistique de justice transitionnelle, et sont donc en grande partie responsables de la dégradation sécuritaire et de son impact désastreux tant sur la situation humanitaire que celle des droits humains.
"Cela fait trois ans que la population martyre du Kivu paye le prix fort de la diplomatie régionale erratique et de la gouvernance sécuritaire dangereuse du régime de Kinshasa, caractérisée par l’absence de planification, le défaut de vision stratégique, et le recours à l’externalisation par des partenariats militaires bilatéraux et régionaux fluctuants, ainsi qu’avec des groupes armés non étatiques mal formés, contribuant à une sur militarisation dangereuse de la région et à un risque d’embrasement régional", a-t-il déclaré.
Et de rappeler : "Cela fait trois ans que la communauté des États et les institutions ont laissé pourrir par des paroles creuses, des condamnations superficielles et des mesures timides cette crise devenue multidimensionnelle et menaçant la sécurité et la paix internationales, créant un contexte propice à l’offensive majeure et à l’expansion territoriale rapide des Forces de défenses rwandaise et de ses supplétifs du M23 début 2025."
Il rappelle aussi que trois ans durant, les tentatives diplomatiques visant la désescalade et à faire taire les armes ont toutes échoué à obtenir un cessez-le-feu et le retrait des forces illégales d’occupation, malgré l’adoption tardive mais importante, le 21 février 2025, de la résolution 2773 du Conseil de Sécurité des Nations Unies, qui doit servir de cadre aux efforts de sortie de crise et au retour de la paix.
D'après Denis Mukwege, en cette journée, il tient à exprimer sa solidarité avec les citoyens congolais qui vivent en zone occupée et invite le Gouvernement congolais et tous les acteurs impliqués dans la recherche de la stabilité et de la paix après trente ans de guerre, à retenir les leçons des erreurs du passé et à ne pas sacrifier la justice dans les négociations en cours. Car, seule la justice et des réparations pourront briser le cycle de la violence et de l’impunité et prévenir la répétition des conflits en RDC et dans la région des Grands Lacs africains.