Crise économique dans l’Est de la RDC : les habitants de Goma étranglés par les taux de change instables et la rareté du liquide

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Par la Rédaction 

À Goma, ville de l’est de la RDC -République démocratique du Congo-, le dollar est devenu un luxe insaisissable et capricieux. Tandis que la guerre fait rage dans les environs et que les banques sont fermées, les habitants doivent faire face à un taux de change aussi instable qu’angoissant. Chaque jour, le prix du dollar fluctue sans règle, désorientant une population déjà à bout de souffle.

Aujourd’hui, un billet de 10 dollars peut valoir 28 500 francs congolais dans certaines transactions officielles, ou grimper jusqu’à 35 000 francs dans des contextes quotidiens comme les frais scolaires. Cette variation crée une confusion généralisée dans les marchés, les boutiques, les services et jusque dans les ménages. “On vit au jour le jour, sans savoir combien vaudra notre argent demain”, témoigne Chantal, une commerçante du marché Kituku.

L’électricité devient un luxe. Chez la SNEL, 10 dollars d’électricité sont facturés à 28 500 FC. Mais chez Virunga Énergies, la même somme monte à 32 000 FC. Les changeurs de monnaie, ou cambistes, tentent tant bien que mal de suivre cette spirale. “Chaque heure, le taux change. On ne sait plus à quel taux acheter ou vendre”, explique Patrick, cambiste au centre-ville. “Les clients nous accusent de profiter, mais on n’a pas de liquide. Les banques sont fermées, on travaille avec les moyens du bord", poursuit-il.

À Bukavu, la situation est similaire, bien que légèrement moins chaotique. Les taux y varient entre 2 900 et 3 300 francs pour un dollar, selon les quartiers et les moments. Mais l’insécurité, la fermeture des institutions bancaires commencent à faire grimper la tension dans cette ville voisine de Goma. “Ce qui arrive à Goma peut nous atteindre à tout moment”, prévient Jacques, un enseignant à Kadutu.

Le blocage des banques et la fermeture de l’aéroport de Goma, consécutifs aux affrontements entre les FARDC et les troupes rwandaises du M23, ont brutalement gelé l’accès au cash et aux transferts. Les services de mobile money, comme Airtel Money, sont saturés. Le retrait de 10 dollars se fait au taux officiel de 2 850 FC, alors que l’achat avec le même montant revient à 33 000 FC, voire plus.

Les familles peinent à suivre. “L’école de ma fille me demande 35 000 FC pour 10 dollars de frais. Hier, c’était 30 000. Je n’ai même pas eu le temps de trouver l’argent”, raconte Mariam, mère de trois enfants. “Et pourtant, j’ai encore des dollars sur mon téléphone. Mais personne ne veut les prendre à ce taux", se lamente-t-elle.

La peur de l’avenir est omniprésente. Les travailleurs journaliers, les petits commerçants, les enseignants et même les fonctionnaires se retrouvent piégés dans un système où la valeur de leur revenu fond à vue d’œil. “Je suis payé en francs, mais tout se calcule en dollars. Mon salaire ne couvre même plus le pain et le transport”, déplore Justin, agent de santé à Goma.

Pendant ce temps, à Doha, au Qatar, les négociations de paix piétinent. L’appel des États-Unis à Kigali pour un retrait des troupes rwandaises du Nord-Kivu reste sans effet tangible sur le terrain. À Goma, la population n’attend plus grand-chose des discours diplomatiques. “Nous, on a faim aujourd’hui, pas dans un mois. Ils parlent là-bas, mais ici, on souffre tous les jours”, s’indigne Dieudonné, vendeur de cartes téléphoniques.

Dans cette ambiance morose, même les changeurs de monnaie longtemps considérés comme les baromètres économiques de la rue commencent à abandonner. “On ne gagne plus rien. On ne sait même pas si demain, on pourra encore changer. C’est la loi du plus fort maintenant”, résume Patrick, les yeux fatigués.

La ville de Goma vacille, prise en étau entre guerre, crise monétaire et abandon institutionnel. Et malgré les promesses de dialogue international, le quotidien reste un combat pour chaque franc congolais. Pour les habitants, l’urgence n’est plus de négocier la paix : c’est de survivre jusqu’à demain.

Lundi 21 avril 2025 - 12:04