
Par Edmond Izuba et Gratis Makabi
*Pendant que Jules Alingete, désormais ex- Inspecteur général des finances chef de service, s’apprête à la remise et reprise avec son successeur Christophe Bitasimwa, nommé par ordonnance présidentielle au soir du 07 mai, l’organisme des droits de l’homme CREFDL -Centre de recherche en finances publiques et développement local- recommande un audit intégral de la gestion passée de l’IGF -Inspection générale des Finances- et un état des lieux sans complaisance. Dans une interview exclusive accordée à la rédaction d’Opinion-Info, Valery Madianga, responsable de CREFDL, dépeint une déviation des réformes voulues par la violation de loi créant l’IGF et la politisation de cette structure de contrôle basée à la Présidence de la République. Parmi les premières actions à opérer par la nouvelle équipe à la tête de l’IGF, le CREFDL recommande la suppression des patrouilles financières dans les entreprises publiques de l’Etat transformées en une cogestion. Ci-dessous, lire in extenso cette interview.
Opinion-Info : Bonjour Mr Valery Madianga ! Vous êtes responsable de CREFDL. Dans quel état d’esprit avez-vous appris les nominations de nouveaux animateurs à la tête de l’IGF ?
Valéry Madianga : Il faut savoir que tout mandataire public, qui a été placé à la tête de service de l'État, a toujours un mandat. La finalité est qu'il y aura un changement dans le cadre de renforcement ou de redynamisation de service public. Alors, pour nous, cela ne nous surprend pas d'autant plus que l'ancien inspecteur général des finances et ses collaborateurs, eux aussi avaient remplacé d'autres personnes qui étaient là avant.
Opinion-Info : Comment trouvez-vous la gestion de l’IGF chef de service sortant ?
Valéry Madianga : la gestion de l'inspecteur général des finances sortant a été marquée par plusieurs faits. Notamment, dès son arrivée à la tête de l'IGF, ce dernier a donné un ton, de la notoriété à cette institution, et il a renforcé les services. À travers ses missions de contrôle, on a assisté au moins à la hausse de recettes publiques, parce que tout était en baisse, et il y a eu quelques réformes qui ont été proposées, et c'est ce qui a permis à ce que les recettes publiques puissent exploser ou augmenter. Il a également mis dans de bonnes conditions les inspecteurs de finances, avec un salaire de qualité, mais aussi l'IGF est actuellement parmi les institutions de contrôle qui disposent d'un budget important en matière de fonctionnement, mais aussi de rémunération. Vers la fin, il a un tout petit peu chaviré lui-même, parce qu'il a posé des actes qui ont fragilisé l'image de l'IGF; notamment, en initiant des missions et non des contrôles. Mais ce sont des missions que nous avons qualifiées de consultance, notamment au niveau de la Gecamines. Cela nous a vraiment dérangés, parce que l'IGF, en tant que service de contrôle ou un auditeur de l'État, ne peut pas devenir consultant auprès des organismes publics que celle-ci est censée contrôler. C'est vraiment de l'entorse à la loi. Un aspect est que l'IGF a aidé aux négociations sur le protocole d'accord entre la RDC et les entreprises chinoises, le protocole qu'on appelle généralement ou communément le contrat chinois. l'IGF a perçu des versements d'argent de la SICOMINES vers la délégation congolaise qui a participé aux négociations. Or, l'IGF est un service public, les mandataires de l'IGF qui sont allés au nom de la RDC bénéficiaient déjà, en amont, des frais de mission de l'État. Le fait de percevoir de l'argent hors cadre réglementaire, ça noircit encore le mandat de Jules Alingete, et ce que nous appelons la perception indue de fonds à des tierces personnes. Pourtant, ce sont des missions officielles, alors que toutes ces missions-là ont été bâclées. Et aussi cette politisation de l'IGF à laquelle nous avons assisté vers les dernières minutes de règne de Jules Alingete.
Opinion-Info : Qu’attendez-vous des animateurs nouvellement placés ?
Valéry Madianga : les nouveaux animateurs qui viennent d'arriver doivent d'abord mettre fin à la patrouille financière, parce que c'est irrégulier. La patrouille financière veut dire tout simplement que là où les mandataires posent des actes de sortie des fonds, il faut avoir quelqu'un de l'IGF qui valide. Il faudrait que l'IGF vienne contrôler les actes au lieu d'approuver les actes. Il faut vraiment laisser aux contrôleurs budgétaires qui font bien leur travail. Au niveau des entreprises publiques, il y a aussi des services de contrôle qui doivent faire ce travail, l'IGF ne peut pas aller travailler aux côtés des mandataires publics, que cette dernière est censée contrôler.
Le deuxième élément, il faut rapidement renforcer les capacités de l'IGF. Il y a beaucoup d'inspecteurs qui présentent de nombreuses faiblesses, en termes de capacité opérationnelle. Il faut renforcer des formations et continuer les recrutements, parce que le pays est vaste. On n’a pas besoin tout simplement d'avoir 200 inspecteurs parce que le pays est vaste, ça c'est peu. Le contrôle doit être généralisé et transparent, pour que nous ayons des inspecteurs compétents pour assainir les finances publiques dans notre pays.
Opinion-Info : Pensez-vous que la gestion de Jules Alingete mérite d'être auditée ?
Valéry Madianga : La gestion de l'ancienne équipe doit être auditée, bien qu'elle a doté l'IGF d'un beau bâtiment. Nous pensons qu'il faudrait auditer, parce que nous n'avons jamais vu un appel d'offre publié sur le site de l'ARMP, nous n'avons pas non plus vu la décision d'attribution de ces marchés. Or, la loi impose la transparence du processus d'acquisition des biens publics ou des procédures de construction des biens publics. La loi impose la publicité. Sans elle, la procédure est nulle et sans effet. Il faudrait qu'on audite sa gestion, pour permettre au nouvel inspecteur de commencer son travail sur les bonnes bases.