ZLECAF : Une ouverture prometteuse et un défi stratégique pour la RDC

Par Prehoub Urprus 

Kinshasa s’apprête à accueillir, d’ici le 15 avril 2025, une réunion stratégique de haut niveau : la seizième session interministérielle continentale de la ZLECAF -Zone de libre-échange continentale africaine-. Ce rendez-vous continental offre à la RDC -République démocratique du Congo- une double opportunité : celle d’affirmer sa place dans le projet de renaissance économique africaine, mais aussi celle de réfléchir lucidement aux conditions de sa propre compétitivité.

Car, si la ZLECAF est porteuse d’immenses espoirs pour le continent, elle impose à chaque État membre, dont la RDC, un devoir de lucidité, de préparation et de transformation structurelle.

*Ce que la RDC peut gagner

L’un des grands atouts de la ZLECAF réside dans l’accès élargi à un marché de plus de 1,4 milliard d’habitants, sans barrières douanières majeures. Pour la RDC, cela représente une opportunité commerciale sans précédent. Avec ses vastes ressources naturelles, son potentiel agricole immense, et sa position géographique stratégique au cœur du continent, le Congo-Kinshasa a tous les ingrédients pour devenir un centre logistique, énergétique et industriel incontournable dans l’Afrique de demain.

Les entreprises congolaises, si elles sont accompagnées et bien encadrées, pourraient trouver dans la ZLECAF de nouveaux débouchés pour leurs produits et services. Le secteur privé pourrait en sortir dynamisé, encouragé à monter en gamme et à diversifier ses chaînes de valeur.

Par ailleurs, une intégration commerciale bien conduite pourrait stimuler les investissements étrangers, attirer des industries transfrontalières et renforcer la position diplomatique et économique de la RDC sur la scène continentale.

Ce que la RDC doit éviter

Mais un marché ouvert n’est jamais sans risques. Si elle n’est pas suffisamment préparée, la RDC pourrait subir plus qu’elle ne va bénéficier de cette ouverture.

Le danger est réel de voir le marché congolais inondé par des produits manufacturés venus d’ailleurs, parfois à bas coût, au détriment des producteurs locaux encore fragiles. L’absence de normes industrielles rigoureuses, la faiblesse des infrastructures, les lenteurs administratives et le coût élevé de l’énergie pourraient rendre les entreprises congolaises non compétitives face à leurs voisines.

Il y a également le risque de déséquilibres commerciaux persistants, si l’État ne met pas en place des mécanismes d’accompagnement adaptés. Entre autres, les politiques industrielles ciblées, accès facilité au crédit, formation professionnelle, soutien à l’innovation locale, ...

Enfin, il serait dommage que la ZLECAF reste un projet d’élites, s’échangeant entre chancelleries et salons climatisés, sans écho réel auprès des jeunes entrepreneurs, des femmes commerçantes transfrontalières ou des PME -Petites et Moyennes Entreprises- locales. Pour qu’elle devienne un moteur de développement, l’inclusion sociale et économique doit en être le socle.

Préparer l’ouverture, c’est défendre sa souveraineté

La ZLECAF n’est pas une fin en soi. C’est un outil, un cadre, une dynamique. Elle ne remplacera pas les politiques nationales : elle les rendra plus nécessaires encore. C’est à la RDC de définir sa stratégie d’intégration intelligente, en misant sur les secteurs dans lesquels elle peut exceller, en consolidant ses capacités productives, en améliorant son climat des affaires et en modernisant ses infrastructures.

L’ouverture aux autres ne doit pas se faire au prix de l’affaiblissement de soi, mais au service d’une montée en puissance collective. Kinshasa, capitale hôte de cette réunion historique, a, là, une occasion unique de poser les bases d’une participation active, lucide et souveraine à la ZLECAF.