Crise humanitaire à Bambo : MSF alerte sur des services de santé débordés et une situation hors de contrôle

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La zone de Bambo dans le territoire de Rutshuru [photo d'illustration]
La zone de Bambo dans le territoire de Rutshuru [photo d'illustration]

Par la Rédaction 

La zone de Bambo, dans le territoire de Rutshuru, en province du Nord-kivu, s’enfonce un peu plus chaque jour dans une crise humanitaire profonde. Alors que les combats font rage dans ce territoire, des dizaines de milliers de civils fuient les violences, pour se réfugier dans cette localité sous contrôle du M23. Les conséquences sont alarmantes : abris surpeuplés, pénuries alimentaires, flambée des maladies, services de santé débordés et une aide humanitaire à bout de souffle.

Depuis juin, la population de Bambo a presque doublé pour atteindre plus de 51.000 personnes, dont 80 % sont désormais des déplacés. La majorité sont des femmes et des enfants, qui ont tout perdu en chemin. Parmi eux, une mère de six enfants, raconte avoir marché des semaines à travers la forêt après que des groupes armés ont pillé leur village, à Rushashi. «Les enfants ont tellement faim. On dort dans une école, entassés, et on mange ce qu’on peut trouver dans les champs, parfois des feuilles de manioc ou des bananes trop mûres», témoigne-t-elle.

Face à l’afflux de déplacés, l’hôpital général de Bambo et les quelques centres de santé soutenus par MSF -Médecins Sans Frontières- tournent à plein régime. L’organisation internationale, présente dans la région depuis 2017, assure environ 3.700 consultations médicales par semaine, soit une hausse de 40 % par rapport à la période précédant la crise. Mais cela reste insuffisant face à l’ampleur des besoins.

«Les services de nutrition sont au bord de la rupture, avec un taux d’occupation supérieur à 100 % depuis un mois», alerte François Calas, chef des programmes MSF au Nord-Kivu. «Nous recevons chaque semaine des dizaines de victimes de violences sexuelles, et les cas de paludisme explosent. Une seule clinique a recensé plus de 340 cas hebdomadaires le mois dernier

Cette détérioration est aggravée par la baisse des financements internationaux. L’USAID a réduit son soutien au programme national de lutte contre le paludisme, forçant celui-ci à suspendre ses activités dans la région. Les autorités locales, elles aussi affectées par le manque de ressources, peinent à répondre à la malnutrition, aux besoins en traitements VIH ou tuberculose, et à fournir les kits de prophylaxie post-exposition pour les survivantes de violences sexuelles.

Le marché local reflète la gravité de la situation : le prix des haricots a doublé, tandis que les rares opportunités de travail généralement dans les champs ne rapportent qu’un maigre dollar par jour. Beaucoup dorment dans des écoles, des églises ou des bâtiments abandonnés. D’autres n’ont même pas de toit.

Les témoignages recueillis à Bambo sont empreints de traumatisme et de peur. Nsaku, 49 ans, a fui Birambizo après des affrontements entre les M23 et les milices locales : «Plusieurs maisons ont été incendiées. J’ai passé quelques jours caché en brousse, avant de fuir avec ma famille. J’ai dû laisser tout derrière moi, y compris mon bétail.»

Un autre déplacé évoque des violences brutales : «On m’a dit que ceux qui restaient seraient tués. Une femme raconte : ‘Ils ont égorgé un coq devant moi, comme une menace. Deux membres de ma famille ont été tués.’»

Malgré les efforts de MSF, les moyens manquent. «Nous faisons de notre mieux, mais nous ne pouvons pas, seuls, répondre à tous les besoins humanitaires croissants», insiste François Calas. «Des interventions urgentes sont nécessaires, pas seulement en santé, mais aussi en eau, assainissement, alimentation et abris. Sans une réponse collective, le risque d’épidémies est élevé, et la situation humanitaire pourrait basculer dans la catastrophe

Jeudi 10 juillet 2025 - 22:47