![Un technicien de laboratoire à l’hôpital général de Walikale, Il prépare les échantillons biologiques des patients et les analyse au microscope à l’aide de lames d’observation [photo d'illustration]](/sites/default/files/styles/media_interne_1280x720/public/2025-07/IMG-20250718-WA0032.jpg?itok=LtO9GkHM)
Par la Rédaction
Dans l’est de la RDC -République démocratique du Congo-, les scènes qui se répètent chaque jour dans les collines verdoyantes du territoire de Walikale témoignent d’une crise humanitaire silencieuse. Des femmes, parfois enceintes, marchent pendant des heures, voire des jours, pour atteindre l’unique hôpital général de référence de la zone. Faute de routes praticables et de véhicules motorisés accessibles, ces longues marches sont souvent leur seule option.
«Parfois, nous perdons ces mères. Car, la distance à parcourir est trop longue, leur état s’est compliqué... Lorsqu’elles arrivent, il est trop tard», confie le Dr Séraphin Kibwantu, chef du service de gynécologie et maternité à l’hôpital de Walikale. L’unique ambulance du territoire est en panne depuis plusieurs mois, et aucune alternative n’a encore été mise en place.
Depuis le début de l’année, la situation ne cesse de se dégrader. Les affrontements entre forces gouvernementales et les groupes armés, notamment le M23/AFC, ont provoqué des vagues de déplacements massifs, aggravant une insécurité alimentaire déjà critique. En mars et avril, cette recrudescence de violence a aussi fait fuir la plupart des organisations humanitaires internationales, laissant MSF -Médecins Sans Frontières- presque seule sur le terrain.
«La situation actuelle n’est pas tenable à moyen ou long terme», alerte Meaghan Hawes, coordinatrice de projet MSF à Walikale. Bien que certaines ONG locales restent actives, le retrait massif d’acteurs internationaux a fortement limité les capacités d’intervention.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre janvier et juin 2025, les admissions à l’hôpital de Walikale ont augmenté de 6,7 % par rapport à la même période en 2024. L’Unité Nutritionnelle Thérapeutique Intensive (UNTI) enregistre une hausse dramatique des cas de malnutrition : +41,3 % d’admissions, avec 12 décès d’enfants en avril et 34 en mai. Le taux d’occupation des lits dépasse régulièrement les 150%.
Dans une économie locale affaiblie par les violences, de nombreux agriculteurs ont abandonné leurs champs pour travailler dans les mines des environs. Cette migration forcée entraîne une baisse drastique de la production vivrière, faisant grimper les prix des denrées de base : +50 % pour la farine de maïs, +22 % pour les feuilles de manioc, selon MSF.
La mortalité infantile liée à la malnutrition a explosé. Au premier semestre 2025, les décès dans les 24 premières heures suivant l’admission à l’UNTI ont bondi de 88,9 %, et ceux dans les 24 à 48 heures ont augmenté de 309 % par rapport à l’an dernier. «Ces chiffres reflètent la gravité de la situation : beaucoup d’enfants arrivent à l’hôpital dans un état trop critique pour être sauvés», ajoute Hawes. «Cela souligne l’urgence d’un soutien accru.»
Les centres de santé périphériques ne sont pas épargnés. Pillages, manque d’équipement de base parfois jusqu’à la disparition de balances pour peser les enfants, et absentéisme du personnel non rémunéré ou en fuite compliquent encore l’accès aux soins.
«De nombreux centres sont vides, dévastés. Et les routes sont devenues trop dangereuses pour nos équipes», témoigne Natalia Torrent, des programmes MSF au Nord-Kivu. Les affrontements sur les axes principaux empêchent l'accès aux zones reculées.
Le ravitaillement médical est aussi devenu un casse-tête logistique. Depuis la chute de Goma aux mains du M23 en janvier, les vols sont suspendus, et la route principale vers Walikale est impraticable. MSF est contrainte d’acheminer ses cargaisons via le Rwanda et l’Ouganda, en transitant par l’Ituri. Ce détour peut durer plus de trois semaines et coûter jusqu’à 8.000 dollars par envoi.
Mais, face à l’ampleur des besoins et à l’isolement croissant de la région, MSF appelle aujourd’hui à un soutien urgent et à l’engagement des parties prenantes, pour garantir l’accès humanitaire. «Nous appelons tous les acteurs à faciliter le passage sécurisé du personnel et du matériel médicaux», insiste Torrent.