Crise humanitaire en Ituri : MSF tire la sonnette d’alarme face à l’aggravation des violences et au manque d’accès aux soins pour les blessés

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Par Gloire Balolage 

La province de l’Ituri, dans le nord-est de la République démocratique du Congo, est une nouvelle fois secouée par une vague de violences meurtrières. Depuis fin juin, des attaques répétées contre des civils ont fait des dizaines de morts et des centaines de blessés, dans un contexte d’insécurité croissante. Face à cette situation dramatique, l’organisation Médecins Sans Frontières (MSF) tire la sonnette d’alarme et appelle à une action urgente pour protéger les populations civiles.

La flambée actuelle a débuté le 27 juin à Djangui, dans le territoire de Djugu, où une attaque contre un site de déplacés a causé la mort de neuf personnes, parmi lesquelles des femmes et des enfants. D’autres localités comme Katsu, Komanda ou encore Bunia ont été ensuite ciblées, aggravant les pertes humaines et les déplacements massifs. À Komanda, plus de 40 personnes ont été tuées dans une église. À Bunia, chef-lieu de la province, la situation reste tendue.

Des hôpitaux débordés, des victimes sans soins

À Bunia, la clinique Salama, soutenue par MSF, fait face à un afflux constant de blessés. Mais selon l’organisation humanitaire, ces patients ne représentent qu’une fraction des victimes. Dans un contexte où l’accès aux soins reste extrêmement limité, la majorité des blessés ne parviennent jamais jusqu’à une structure médicale.

Depuis le début de l’année, 250 patients ont été pris en charge pour des blessures graves liées aux violences, dont 105 en seulement deux mois (juillet et août). Les équipes médicales ont effectué 934 interventions chirurgicales, dont certaines sur des patients ayant subi plusieurs opérations pour survivre.

« Depuis trois mois, les admissions ont quasiment doublé. Nous avons dû passer en mode urgence, installer des lits sous tente. Mais, la réalité, c’est que la plupart des blessés n’arrivent jamais jusqu’ici », déplore Asiyat Magomedova, cheffe de mission MSF en Ituri.

Derrière ces chiffres, les témoignages de survivants révèlent l’horreur quotidienne vécue par les civils. Une mère de sept enfants, a été blessée par balle alors qu’elle fuyait l’attaque de Katsu le 31 juillet. « Nous avons été réveillés par des tirs. Et chacun prenait la fuite. C’est à cet instant que les assaillants se sont mis à tirer sur les gens. Il n’y avait aucun opposant contre qui se battre. Il s’agissait donc d’une attaque sans fondement », raconte-t-elle.

Un monsieur originaire du village de Tsotso, a quant à lui survécu de justesse à une tentative d’exécution par des hommes armés qui l’accusaient à tort de posséder une arme. « J’ai levé le bras pour protéger ma tête, et c’est à ce moment-là que j’ai reçu deux coups de machette au poignet et aux doigts », témoigne-t-il.

Des besoins humanitaires en explosion

MSF soutient actuellement 15 zones de santé dans la province, à travers des référencements, des ambulances et des kits de soins d’urgence. Mais la situation continue de se dégrader. Les patients arrivent de localités comme Drodro, Nizi, Lopa, Fataki ou Komanda, où les structures médicales sont quasi inexistantes.

Au-delà des blessures visibles, MSF alerte sur les cicatrices psychologiques profondes laissées par ces violences répétées : peur, anxiété, stress chronique. Les besoins en accompagnement psychosocial sont immenses.

Dans un contexte où l’insécurité limite l’accès humanitaire et où plusieurs bailleurs ont réduit leurs financements, MSF lance un appel urgent à toutes les parties au conflit.

« Ce qui se passe en Ituri est inacceptable. Les populations civiles sont quotidiennement victimes des atrocités commises par les groupes armés. La protection de la population face à ces atrocités est une urgence absolue », insiste Asiyat Magomedova. Elle rappelle également que : « La protection des civils et leur accès aux soins est une obligation en temps de conflit. Toutes les autorités et tous les groupes armés doivent urgemment y travailler, mettre fin aux exactions et garantir un accès humanitaire rapide et sans entrave. »

La reprise des violences a aussi provoqué de nouveaux déplacements massifs. Selon les chiffres d’OCHA, plus de 82 800 personnes ont fui leurs foyers entre mi-juillet et mi-août dans les territoires de Djugu et d’Irumu. Au total, plus de 1,56 million de personnes sont actuellement déplacées en Ituri, dont près de la moitié dans le territoire de Djugu.

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Vendredi 5 septembre 2025 - 13:06