Par Prosper Buhuru
Alors qu’un accord-cadre a été signé entre le Gouvernement congolais et les rebelles du M23-AFC, la situation sécuritaire dans l’Est du pays continue de se dégrader. Pour la cheffe de la diplomatie congolaise, Thérèse Kayikwamba Wagner, cette persistance des combats illustre un décalage "devenu difficile à justifier" entre les engagements pris à la table des négociations et les actions menées sur le terrain.
Selon la ministre des Affaires étrangères, le M23-AFC affiche une posture collaborative dans les forums internationaux tout en poursuivant ses avancées militaires, contournant ainsi l’esprit du cessez-le-feu. Dans une interview accordée à Deutsche Welle, Thérèse Kayikwamba estime que cette dualité compromet la crédibilité même du processus de paix et exige que chaque partie réponde immédiatement de ses actes.
Le Gouvernement congolais appelle à une implication plus ferme de la communauté internationale, et particulièrement de l’Union Européenne. La RDC réclame des mesures de pression comparables à celles appliquées dans d’autres crises majeures, rappelant les conclusions des rapports onusiens qui pointent la responsabilité du Rwanda dans le soutien apporté au M23-AFC. Pour les autorités congolaises, l’absence de réaction européenne face au blocage de l’aéroport de Goma par Kigali illustre une forme de "tolérance silencieuse" difficilement compréhensible au regard de l’urgence humanitaire.
Les discussions de Doha butent également sur le dossier sensible des anciens combattants FDLR. Kigali en fait un préalable à toute avancée, tandis que Kinshasa assure avoir déjà mis en œuvre les engagements pris dans le cadre du CONOPS de Washington, fondé sur deux axes : neutralisation des FDLR et retrait des troupes rwandaises du territoire congolais.
Le Gouvernement indique avoir demandé aux FDLR de se rendre auprès de la MONUSCO pour un rapatriement engendré. Ceux-ci affirment toutefois que les couloirs menant aux bases onusiennes sont sous contrôle du M23-AFC et des forces rwandaises, ce qui rendrait tout déplacement impossible. Pour Kinshasa, si Kigali souhaite réellement résoudre cette question, il lui revient de garantir des conditions opérationnelles permettant ce retour.
Au-delà des discussions diplomatiques, les autorités congolaises disent redouter que cet écart persistant entre accords politiques et actions militaires ne vide progressivement les processus de paix de leur substance, au détriment des populations civiles déjà éprouvées.