Violences basées sur le genre : la CNDH interpelle le ministère de la Justice sur l'urgence d'une application réelle des lois en faveur des victimes

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Gisèle Kapinga Ntumba, commissaire à la CNDH-RDC, remet la note de plaidoyer à Marie-Claire Kashama, conseillère du ministre de la Justice [photo d'illustration]
Gisèle Kapinga Ntumba, commissaire à la CNDH-RDC, remet la note de plaidoyer à Marie-Claire Kashama, conseillère du ministre de la Justice [photo d'illustration]

Par Gloire Balolage 

La CNDH-Commission Nationale des Droits de l’Homme- a transmis au ministère de la Justice une note de plaidoyer sur l’accès à la justice pour les victimes de VBG- Violences Basées sur le Genre-. Ce document, signé par le président de la CNDH, Paul Nsapu, a été remis par Maître Gisèle Kapinga Ntumba, commissaire nationale en charge des droits de la femme et de l’enfant, à la conseillère du ministre d'État et ministre de la Justice, Marie-Claire Kashama.

Dans ce plaidoyer, la CNDH salue les efforts de la République démocratique du Congo dans la lutte contre les VBG, notamment à travers l’adoption de lois et politiques publiques en ligne avec les engagements internationaux. L’organisme rappelle que l’égalité des sexes, consacrée par l’Objectif de Développement Durable n°5, reste une priorité nationale. La loi n° 22/065 du 26 décembre 2022 est citée comme un jalon majeur dans la protection et la réparation des victimes de violences sexuelles liées aux conflits.

Parmi les avancées soulignées dans cette législation, la CNDH met en exergue plusieurs dispositifs favorisant l’accès à la justice : la gratuité des procédures, l’accompagnement judiciaire, le recouvrement des dommages-intérêts, la protection contre les représailles, ainsi que la non-condamnation des victimes pour les faits portés à la connaissance de la justice. Des instruments complémentaires, comme le FONAREV-Fonds National de Réparations ou la stratégie nationale de lutte contre les VBG, viennent renforcer ce cadre juridique.

Toutefois, le constat dressé dans la note est alarmant. En dépit de ce cadre législatif, l'accès à la justice reste un parcours semé d’embûches pour les victimes, particulièrement dans l’est du pays. « Le taux de violences basées sur le genre demeure impressionnant », souligne le document, qui dénonce l’écart entre les textes et leur mise en œuvre effective. L’absence d’administration judiciaire dans certaines zones occupées accentue l’impunité.

Les statistiques de 2024 recueillies par le Cluster Protection en RDC sont édifiantes : 130 084 survivants de VBG recensés au niveau national, dont plus de 56 000 cas dans la seule province du Nord-Kivu. L’occupation militaire de Goma, Bukavu et leurs environs par les groupes armés AFC/M23/RFD aggrave la situation, rendant l’accès à la justice quasi impossible pour les victimes. La CNDH, dans le cadre du projet « Unis pour l’égalité de genre » soutenu par l’Union Européenne et l’ONU Femmes, a lancé une enquête dans les provinces les plus touchées, notamment le Nord-Kivu, le Sud-Kivu, l’Ituri, le Kasaï et Kinshasa.

Les formes de VBG identifiées sont diverses : viol, agressions sexuelles, violences physiques, mariages précoces ou forcés, violences psychologiques et privation d’accès aux ressources. Les résultats des enquêtes de terrain font état d’un usage systématique du viol comme arme de guerre, provoquant des séquelles physiques et psychologiques irréversibles, allant jusqu’à la stigmatisation sociale des victimes.

Parmi les principaux obstacles relevés par la CNDH figurent les frais judiciaires, les honoraires d’avocats, les lenteurs de la justice, le manque de magistrats, l’inaccessibilité des juridictions et l’inexécution des décisions de justice. En milieu rural, les pratiques coutumières rétrogrades et les arrangements à l’amiable en cas de viol viennent aggraver la situation, particulièrement pour les femmes et les filles vulnérables.

La note dénonce également la montée de nouvelles formes d’exploitation sexuelle, notamment dans les camps de déplacés : « sexe contre nourriture », « sexe par abonnement », ou encore « fille deux-cents deux-cents » sont devenus des expressions tristement courantes dans certaines provinces. La CNDH alerte sur l’incitation à la débauche des mineurs dans des maisons de tolérance et réclame une réponse judiciaire plus ferme et adaptée.

En réponse à cette situation, la CNDH formule une série de recommandations adressées au ministère de la Justice. Elle appelle notamment à rendre effectif le droit à la gratuité judiciaire, à accélérer l’affectation de magistrats, à supprimer les frais informels, à protéger les victimes et à adapter les lois existantes. L’organisme plaide également pour l’adoption de lois spécifiques sur les formes de VBG encore non prises en charge, telles que les violences domestiques.

Enfin, la CNDH appelle à renforcer la collaboration entre les acteurs judiciaires, la société civile et les institutions publiques pour garantir une prise en charge holistique et digne des victimes de VBG. Elle propose un atelier national de relecture de la loi pénale de 2006 afin de l’actualiser aux réalités actuelles, dans l’objectif de rendre la justice plus équitable, efficace et humaine.

Lundi 29 septembre 2025 - 15:33