RDC - Rutshuru : Liberata Rubumba Buratwa, symbole de la résistance face aux rebelles [ portrait]

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Liberata Rubumba Buratwa,  femme leader au Nord-Kivu, lors d’un atelier à Goma [photo d’illustration]
Liberata Rubumba Buratwa, femme leader au Nord-Kivu, lors d’un atelier à Goma [photo d’illustration]

Par Prosper Buhuru

À l’occasion du 25ᵉ anniversaire de la Résolution 1325 des Nations Unies sur les femmes, la paix et la sécurité, le portrait de Liberata Rubumba Buratwa, enseignante, fonctionnaire de l’Etat et activiste originaire du territoire de Rutshuru, au Nord-Kivu, dans l’est de la République démocratique du Congo, illustre la puissance du leadership féminin face à la guerre.

Depuis plus de deux décennies, Liberata Buratwa œuvre inlassablement pour le dialogue et la réconciliation dans une région meurtrie par les cycles de violence. Dès son jeune âge, elle se distingue comme médiatrice, d’abord au sein de sa famille puis dans son entourage.

"Il y a quelque chose en moi qui aspire à voir les gens vivre en paix", confie-t-elle.

En 2008, alors que les affrontements entre les rebelles du CNDP -Congrès National pour la Défense du Peuple- et les Forces gouvernementales ravageaient le Nord-Kivu, Liberata Buratwa réunit dix femmes issues de diverses communautés. Animées par leur instinct de mères, elles décident d’aller rencontrer le chef rebelle dans le maquis.

"Nous lui avons dit : la brousse est pour les animaux, pas pour les hommes", raconte-t-elle. Ce geste audacieux a ouvert un canal inédit de communication entre les belligérants, contribuant à l’organisation de la conférence sur la paix, la sécurité et le développement, puis à signature de l’Accord de paix d’Ihusi en 2009.

Loin de s’arrêter là, Liberata Buratwa mène ensuite une mission au Rwanda pour plaider la fin du soutien présumé de Kigali à la rébellion. Ses démarches la conduisent jusqu’à Kinshasa, où elle milite pour un dialogue entre le gouvernement congolais et la rébellion. Son engagement attire l’attention des autorités : invitée par le présidentde l’Assemblée nationale, elle devient la seule femme à prendre part aux travaux préparatoires de la conférence dont les pourparlers ont abouti à l’opération Amani Leo (Ndlr : paix aujourd’hui).

"Nous avons mené un plaidoyer pour que d’autres femmes participent à la conférence, et plus où moins 40% d’elles y ont pris part", affirme-t-elle.

Mais la paix reste fragile. Déplacée à plusieurs reprises, notamment lors de la résurgence du M23-AFC en 2022, Liberata Buratwa abandonne tout : maison, ferme et moyens de subsistance. Pourtant, son engagement demeure intact.

"Je continuerai à défendre les femmes jusqu’à mon dernier souffle. Je crois que nous pouvons mettre fin à cette guerre sans tirer une seule balle, si seulement nous restons unies. Car les femmes ne portent pas d’armes, plutôt l’espoir et des paroles convaincantes. Les femmes sont les vraies batisseuses de pqix. Chaque action, sourire, ... rapproche la paix", a-t-elle renchéri.

Aujourd’hui, Liberata Rubumba BuratET coordonne un réseau des femmes ambassadrices et médiatrices de paix, au Nord-Kivu. Ensemble, elles signalent les menaces, collaborent avec les autorités locales et sensibilisent les déplacés / retournés à la cohésion communautaire. La dernière fois, elle avait rencontré le feu général Peter Cirimwami, ancien gouverneur militaire du Nord-Kivu décédé au front, pour lui demander de garantir la sécurité des civils et de prévenir les abus contre les femmes.

À Windhoek, en Namibie, où les acteurs africains ont célébré les 25 ans de la Résolution 1325, le parcours de Liberata Buratwa a résonné comme un hommage vivant à la vision de ce texte : une paix durable et inclusive portée par les femmes elles-mêmes.

 

Elle incarne, dans la douleur comme dans l’espérance, la conviction exprimée dans la Déclaration de Windhoek+25 : la paix ne saurait exister sans la participation pleine et égale des femmes à tous les niveaux de décision.

Jeudi 23 octobre 2025 - 06:57