Édito : "Bujakera, victime d'une Justice malade"!

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Le journaliste Stanis Bujakera devant ses juges naturels.
Le journaliste Stanis Bujakera devant ses juges naturels.

Par Bijou NDJODJI BATEKO


 Le réquisitoire de l'OMP -Officier du Ministère public-, qui sollicite du Tribunal la condamnation de Stanis Bujakera à 20 ans de servitude pénale principale, étaye l'argumentaire du Magistrat suprême, selon lequel "la Justice rd-congolaise est malade même dans le traitement des dossiers, et c'est à cause de ses tergiversations que Stanis Bujakera est en train de moisir en prison". Ni plus ni moins, la "prolongation de la détention arbitraire" de Stanis Bujakera est vue comme "un harcèlement judiciaire", pour faire taire ce correspondant de Jeune Afrique qui dérange par "ses tweets ravageurs qui ramenaient à la surface malversations et autres faits de corruption dissimulés à l'opinion", d'une part, et, de l'autre, telle une forme de restriction de la liberté de la presse, pourtant garantie par la Constitution. Puisque la Justice ne peut être malade que dans la mesure où elle est politisée, instrumentalisée et manipulée par le pouvoir en place, Stanis Bujakera est, de l'avis de plus d'un observateur, un "prisonnier politique" de ceux du régime pour lesquels il est un témoin gênant.

Devant la presse, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo n'avait-il pas raison d'avouer, main sur le cœur et la mort dans l'âme, que la Justice rd-congolaise est malade ?

Qui, mieux que lui, de surcroît Magistrat suprême, peut bien diagnostiquer sans complaisance la Justice rd-congolaise, et aboutir à un résultat contradictoire à celui du "Chef" ?

C'est, en tout cas, affirmer haut et fort que le Magistrat suprême a menti ou s'est trompé, que de soutenir l'hypothèse selon laquelle la Justice rd-congolaise n'est pas malade.

N'avait-il pas non plus raison d'affirmer que Stanis Bujakera est victime de cette "Justice malade, même dans le traitement des dossiers" ?

Aujourd'hui, le réquisitoire de l'OMP -Officier du Ministère public-, qui sollicite du Tribunal la condamnation de Stanis Bujakera à 20 ans de servitude pénale principale, ne vient-il pas conforter la thèse du Magistrat suprême ?

Car, comment comprendre que, pour un article de presse dont il n'a jamais été l'auteur, Stanis Bujakera soit lourdement chargé des infractions de contrefaçon, de faux en écriture, de l'usage de faux et de la propagation de faux bruits ?

Comment comprendre que les infractions de contrefaçon, de faux en écriture et de l'usage de faux soient mises à la charge de Stanis Bujakera, pendant que, selon l'un de ses avocats, Maître Jean Marie Kabengela, l'Administrateur de l'ANR -Agence nationale des Renseignements- avait reconnu l'originalité de la signature et du sceau ainsi que l'authenticité du document relayé dans l'article de magazine panafricain franco-tunisien, qui a mis en cause les renseignements militaires dans la mort de l'ex- ministre des Transports, Chérubin Okende ?

Plus d'un demi-siècle après l'accession de la RDC -République démocratique du Congo- à la souveraineté nationale et internationale et trente quatre ans après le déclenchement du processus de sa démocratisation, sa Justice balbutie, tâtonne, titube et tergiverse, comme si l'on était encore dans un régime autocratique.

Et le Chef de l'État rd-congolais avait reconnu ces tergiversations de la Justice. "Et c'est à cause de leurs tergiversations [allusion faite aux acteurs de la Justice que sont les magistrats], que peut-être ce petit là [Stanis Bujakera] est en train de moisir en prison", avait-il déclaré.

Stanis Bujakera dérange. Il suffit de regarder de près la manière dont il a été appréhendé manu militari, tel un malfrat, à l'aéroport international de N'djili, pour comprendre qu'il fallait museler Stanis Bujakera, qui était devenu pratiquement un témoin gênant du régime, grâce à "ses tweets ravageurs qui ramenaient à la surface malversations et autres faits de corruption dissimulés à l'opinion, et mettaient à nu les contre-vérités du pouvoir".

Amnesty International, elle, ne va pas par quatre chemins pour parler de "la prolongation de la détention arbitraire" de Stanis Bujakera qui "s'apparente à un harcèlement judiciaire, destiné à envoyer un signal inquiétant aux autres journalistes et à toutes les voix libres en RDC".

Cela, avant d'exiger la libération immédiate du directeur de publication adjoint du média en ligne Actualité.cd et correspondant au magazine Jeune Afrique. "Cette parodie doit cesser. Les autorités de la RDC doivent libérer immédiatement Stanis Bujakera", lit-on dans le document de Amnesty International.

Samedi 9 mars 2024 - 16:52