
Par Patrick Kitoko
À quelques semaines de l’ouverture du procès de Roger Lumbala devant la cour d’assises de Paris, trois avocats français montent au créneau pour dénoncer une «instrumentalisation de la justice» et une «violation manifeste du droit international».
Dans un communiqué diffusé, ce mardi 07 octobre 2025, les avocats Philippe Zeller, Hugues Vigier et Roxane Best s’attaquent frontalement au recours par la France à la compétence universelle, estimant que le procès qui s’annonce constitue un «détournement» de ce mécanisme.
Roger Lumbala, ancien ministre, député et sénateur de la République démocratique du Congo, doit être jugé à partir du 13 novembre prochain à Paris pour complicité de crimes contre l’humanité. Les faits reprochés remonteraient à la deuxième guerre du Congo (1998-2003), l’un des conflits les plus meurtriers de l’histoire africaine contemporaine.
Mais les avocats dénoncent une procédure «hors sol», menée loin du terrain et des réalités locales.
“ Une instruction conduite à 8000 kilomètres des lieux des faits, sans qu’aucun enquêteur n’ait été dépêché en RDC, soulève de graves questions sur le respect des droits de la défense ”, peut-on lire dans leur communiqué.
Au cœur des critiques, l’attitude des autorités françaises restées silencieuses face aux demandes répétées d’extradition formulées par la RDC depuis 2013. Selon les avocats, ces demandes ont été renouvelées en mars, juin et septembre 2025, sans jamais obtenir de réponse officielle.
“ Ce silence porte gravement atteinte au principe de subsidiarité qui encadre la compétence universelle ”, insistent-ils. Pour les signataires, la RDC, en tant qu’État souverain, dispose de la primauté pour juger des crimes commis sur son sol par l’un de ses ressortissants, d’autant plus qu’aucune procédure n’est actuellement engagée par la Cour pénale internationale.
Les avocats vont plus loin et parlent d’un «permis d’ingérence judiciaire» que s’octroierait la France, dans une logique qu’ils qualifient de «néo-colonialisme judiciaire». Ils dénoncent une vision «paternaliste» des relations internationales, où des juridictions du Nord prétendent juger les drames du Sud, « dans un cadre déconnecté des attentes des victimes et des réalités locales».
Face à ce qu’ils considèrent comme une violation du droit à l’autodétermination judiciaire de la RDC, les avocats demandent aux autorités françaises de reconnaître la compétence de la RDC pour juger Roger Lumbala, répondre officiellement aux demandes d’extradition, et mettre un terme à la procédure française qu’ils estiment «entachée d’illégitimité».
“Ce procès n’a pas lieu d’être à Paris”, concluent-ils.
Pour eux, la justice universelle ne peut servir de prétexte à une confiscation du droit de juger, au détriment de la souveraineté d’un État tiers.