Goma en déliquescence : La jeunesse en détresse sombre dans la drogue

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Par Denise Kyalwahi

Depuis la prise de Goma, chef-lieu du Nord-Kivu, par les rebelles du M23, le 27 janvier 2025, un phénomène alarmant s’intensifie dans les rues : de plus en plus, de jeunes, âgés de 14 à 25 ans, s’adonnent à la consommation de drogue en quête de l'insouciance face à l’insécurité, la pauvreté et la désillusion. Le phénomène, rapporté par Le Flambeau Est RDC, prend des proportions inquiétantes dans une ville en état de siège, où l’espoir s'évapore au fil du temps.

Derrière les volutes de fumée, c’est tout un cri silencieux du désespoir qui retentit. Plus qu’un simple fléau de santé publique, cette addiction traduit un mal-être profond. Une génération en quête de refuge, de dignité et de sécurité.

«Je suis célibataire, mère de trois enfants. Ce sont mes amis qui m'ont initiée à fumer du chanvre (appelé BER ici). Ils me disaient que cela aidait à calmer le stress», confie Adeline Kanumba, la vingtaine révolue, dans un souffle de résignation.

 L’emploi perdu, la drogue en refuge

Comme elle, d’autres jeunes femmes ont vu leur vie basculer, avec l’arrivée des rebelles. Ancienne aide-maçonne, une jeune femme qui souhaite rester anonyme raconte comment elle s’est tournée vers des boissons alcoolisées artisanales comme la Mandale, le Zook ou encore le Simba, faute d’alternative pour surmonter ses traumatismes : 

«Depuis que j’ai perdu mon emploi, je suis sans ressources. Pour oublier le passé, je me réfugie dans ces breuvages.»

 

 Une dépendance qui touche aussi les adolescents

Japhet, 16 ans, témoigne de sa propre dérive.

 «Je faisais de petits boulots, mais depuis que la situation s’est détériorée, je n’ai plus rien. Pour me délasser, je fume du Patex, une drogue bien connue ici.»

D’autres jeunes, comme Mumbere Janvier, 25 ans, justifient la consommation des drogues et autres stupéfiants par le besoin de «créativité» et d’«assurance sociale» :

 «J’ai commencé à fumer à l’université. Aujourd’hui, c’est devenu une habitude. C’est presque un moyen de survie, malgré les effets secondaires.»

 

 Des risques psychologiques et sociaux graves

Cette banalisation de la drogue parmi la jeunesse inquiète les professionnels de santé. Le psychologue Magnifique Hangi alerte sur la formation de comportements addictifs pouvant compromettre durablement l’avenir de ces jeunes :

 «Ces jeunes risquent de devenir inaptes à toute activité intellectuelle ou physique; car, leur dépendance finit par créer une seconde nature.»

 Entre répression et instrumentalisation

La répression s’ajoute à leur détresse. Certains jeunes affirment être pourchassés, voire arrêtés par les autorités de facto :

 «Il arrive qu’on tire sur ceux qui fument ou qu’on les arrête, pour les enrôler de force dans le mouvement rebelle», témoigne un jeune sous couvert d’anonymat.

Une version que les responsables du M23 rejettent systématiquement, assurant que leur recrutement est volontaire.

 

 Une jeunesse sacrifiée, une réglementation attendue

Dans ce contexte de guerre, d’instabilité économique et d’abandon social, la montée de la consommation de drogues chez les jeunes de Goma est symptomatique d’une crise profonde. Pauvreté extrême, détresse psychologique, chômage massif et absence de soutien institutionnel ne laissent que peu d’alternatives à cette génération déboussolée.

Des spécialistes plaident pour une politique de santé publique adaptée, incluant une meilleure réglementation du tabac, une prise en charge psychosociale, et des programmes de réinsertion socio-économique visant à redonner espoir et avenir à une jeunesse en péril.

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Dimanche 27 juillet 2025 - 06:22