Breaking News

Crise sanitaire dans les Kivu : 85 % des structures de santé en rupture de médicaments et 40 % privées de personnel médical (CICR)

Catégorie
Image
François Moreillon, chef de délégation du CICR en RDC [photo d'illustration]
François Moreillon, chef de délégation du CICR en RDC [photo d'illustration]

Par Gloire Balolage

Dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu font face à une crise sanitaire alarmante. Les structures de santé sont débordées par l'afflux constant de blessés, alors même que la majorité d’entre elles sont frappées par des pénuries de médicaments et une fuite massive du personnel soignant. Ces dysfonctionnements mettent en péril la prise en charge des civils.

Selon une évaluation menée en septembre 2025 par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), 85 % des structures de santé dans les Kivu souffrent de ruptures de stocks de médicaments, et près de 40 % ont vu leur personnel médical fuir, souvent pour des raisons de sécurité. En parallèle, de nombreuses organisations humanitaires ont suspendu leurs activités, faute de financement.

« Souvent, lorsqu’un malade ou un blessé parvient à se présenter dans un centre de santé malgré les difficultés d’accès, il ne trouve pas un personnel soignant qualifié à qui s’adresser. Et même s’il en trouve, dans la majorité des cas, il n’y aura pas de médicaments essentiels pour sa prise en charge », alerte le docteur Hippolyte Ten, coordinateur santé adjoint du CICR.

Le transfert des blessés vers des hôpitaux adaptés est fortement entravé par les combats et la difficulté de traverser les lignes de front. Certains patients, comme Shukuru, blessé en juillet à Pinga et évacué à 300 km de là à Beni, doivent parcourir de longues distances à pied pour espérer être soignés. D'autres n’y parviennent jamais.

Depuis janvier 2025, plus de 70 % des 240 structures évaluées par le CICR ont reçu des blessés par armes, dont de nombreux cas graves nécessitant des soins urgents. Pourtant, les ressources médicales sont presque inexistantes dans plusieurs établissements. Les pénuries affectent notamment les médicaments censés être disponibles gratuitement : vaccins, antipaludiques, antirétroviraux, traitements contre la tuberculose, kits post-viol, aliments thérapeutiques et tests rapides pour le VIH.

« Nous avons des difficultés à accéder à Bukavu où nous achetons des médicaments. Et lorsqu’on réussit à les acheter, nous devons payer pour les transporter mais aussi pour les multiples frais au niveau des points de contrôle mis en place par différents porteurs d’armes sur la route », déplore un médecin du Sud-Kivu.

La pression est aussi démographique. L’étude du CICR révèle que 91 % des aires de santé du Nord-Kivu et du Sud-Kivu ont accueilli chacune plus de 5 000 déplacés internes depuis le début de l’année. Ces populations, souvent démunies, n’ont pas les moyens de se faire soigner, ce qui entraîne des décès évitables au sein des communautés.

« Plusieurs d’entre nous n’ont plus d’argent et ne peuvent aller se faire soigner à l’hôpital, alors ils restent chez eux même en étant très malades. C’est pourquoi il y a plusieurs décès dans la communauté », témoigne Plamedi, une déplacée au Sud-Kivu.

Le droit international humanitaire est pourtant clair : les blessés et malades doivent pouvoir accéder aux soins nécessaires, et les infrastructures médicales doivent être protégées. Face à l’ampleur de la crise, le CICR appelle toutes les parties au conflit ainsi que les acteurs humanitaires et de développement à unir leurs efforts.

L’organisation, qui agit en tant qu’intermédiaire neutre, réaffirme sa volonté de faciliter l’acheminement de médicaments à travers les lignes de front. « Il y va de la survie de milliers de personnes », insiste François Moreillon, chef de délégation du CICR en RDC.

Les efforts du CICR ont permis de soutenir 17 structures de santé entre janvier et septembre 2025, ainsi que d’assurer la prise en charge de 3 422 blessés dans six hôpitaux. Mais cela reste insuffisant face à l’ampleur des besoins. À ce jour, plus de 80 % des structures de santé dans les Kivu ne reçoivent aucun appui humanitaire.

Certaines structures de santé sont contraintes de se relocaliser dans des bâtiments de fortune, parfois sous des bâches, en raison de l’insécurité. « Les populations vivent dans des conditions difficiles, elles sont exposées aux maladies hydriques, au paludisme et à la pneumonie », rapporte Tanende Sumaili, infirmier au Sud-Kivu.

Sur les 45 structures ayant subi une fuite du personnel, seules quatre ont pu enregistrer un retour grâce à un appui humanitaire, dont celui du CICR. Cela illustre la nécessité d’un soutien accru et durable.

Quelques chiffres :

- 3 422 blessés par armes pris en charge dans 6 hôpitaux soutenus par le CICR

- 227 244 consultations curatives réalisées

- 71 056 consultations pour vaccination

- 948 victimes de violences sexuelles soignées

- 30 structures de santé ont reçu des dons pour 2 127 blessés

- Plus de 5 000 déplacés accueillis dans 91 % des aires de santé

Alors que le conflit continue de fragiliser la région, le système de santé congolais dans les Kivu est à bout de souffle. Pour éviter un effondrement total en appel lancé par le CICR doit trouver écho auprès des bailleurs de fonds, des autorités congolaises et de l’ensemble des acteurs concernés.

Mercredi 8 octobre 2025 - 14:57