Insécurité dans le Grand Kivu: Washington accusé de dissimuler une manœuvre minière derrière l’accord de “paix” Rwanda-RDC [Rapport Oakland Institute]

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Un site minier dans le territoire de masisi au Nord-kivu [photo d'illustration]
Un site minier dans le territoire de masisi au Nord-kivu [photo d'illustration]

Par la Rédaction 

Alors que le président américain Donald Trump a salué l’accord de « paix » entre le Rwanda et la République démocratique du Congo (RDC) comme étant la fin d’une guerre meurtrière de trois décennies, un nouveau rapport de l’Oakland Institute jette une ombre sur cette annonce. Intitulé Shafted: The Scramble for Critical Minerals in the DRC, le document affirme que cette initiative diplomatique cache avant tout une stratégie américaine visant à consolider le contrôle sur les minéraux critiques congolais.

Selon Frédéric Mousseau, co-auteur du rapport et directeur des politiques de l’Oakland Institute, l’ingérence américaine en RDC ne serait pas nouvelle. « L'implication des États-Unis dans les affaires congolaises a toujours été indiscutablement liée à l'objectif de sécuriser l'accès aux minéraux essentiels », souligne-t-il. Le rapport avance que l’accord récemment salué par Washington s’inscrit dans une continuité historique où les intérêts miniers ont souvent dicté la politique étrangère américaine dans la région.

Pour les chercheurs de l’Oakland Institute, cette entente diplomatique ne serait pas un pas vers la paix, mais plutôt un « accord gagnant-perdant ». 

Ils estiment qu’elle profite essentiellement aux entreprises américaines et au Rwanda, au détriment de la souveraineté congolaise. Mousseau va plus loin en affirmant que ce texte « récompense le Rwanda pour des décennies de pillage des ressources congolaises », alors que Kigali et son allié, le mouvement rebelle M23, ont renforcé leur emprise sur l’Est du Congo.

Le rapport s’appuie sur une analyse détaillée du commerce du coltan, minerai stratégique essentiel à la fabrication des smartphones, ordinateurs et véhicules électriques. En s’appuyant sur des données jusque-là négligées, les chercheurs révèlent le rôle central des États-Unis dans le blanchiment de minerais congolais de contrebande. Entre 2013 et 2018, les exportations de tantale, un métal extrait du coltan du Rwanda vers les États-Unis auraient été multipliées par quinze.

Cette flambée spectaculaire des importations intervient après la première offensive du M23 en 2012 et coïncide avec la levée, par Washington, du mécanisme de sanctions visant Kigali. Une évolution qui interroge, selon l’Oakland Institute, sur la complaisance américaine face au commerce illégal des ressources issues de zones de conflit. À son apogée, plus de la moitié du tantale importé par les États-Unis provenait du Rwanda, alors que la production nationale du pays reste très limitée.

Pour l’institut de recherche basé en Californie, l’accord de « paix » entre Kinshasa et Kigali ne ferait qu’institutionnaliser ce commerce douteux. En favorisant l’intégration économique régionale, Washington ouvrirait la voie à une légalisation du blanchiment de minerais congolais, dissimulés sous l’étiquette rwandaise.

Ainsi, derrière l’image d’un succès diplomatique, l’Oakland Institute voit une opération géopolitique à visée économique. Le rapport met en garde contre une nouvelle forme de domination néocoloniale, où la paix servirait de paravent à la course effrénée pour le contrôle des ressources stratégiques du sous-sol congolais.

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Jeudi 23 octobre 2025 - 13:48